ardinaux, presses et sollicites ainsi de toutes parts, s'assemblerent
a Anagnie, et elurent enfin, le jour de Saint-Jean-Baptiste, le cardinal
Sinibalde, Genois de la maison de Fiesque, qui prit le nom d'Innocent
IV. C'etait un homme de merite, d'un grand sens, fort habile, et aime
de l'empereur, qui, connaissant la fermete de Sinibalde, dit a un de
ses confidens lorsqu'il apprit la nouvelle de cette election: _Le cardinal
etait mon bon ami, mais le pape sera pour moi un dangereux ennemi_.
L'empereur avait raison; car les interets d'un cardinal sont bien
differens de ceux d'un pape, qui se regarde comme le premier monarque
de la chretiente.
Cependant Frederic temoigna beaucoup de joie en public, de l'election de
Sinibalde: il lui envoya une solennelle ambassade, dont etait chef
le fameux Pierre Desvignes, chancelier de l'empire, celui qui nous a
conserve quantite de lettres sur les differends de l'empereur avec les
papes.
Les ambassadeurs presenterent a Innocent une lettre de ce prince, par
laquelle il lui faisait offre de ses services et de toute sa puissance
pour le bien de l'Eglise, en ajoutant toutefois a la fin du compliment,
_sauf les droits et l'honneur de l'empire et des royaumes que nous
possedons_: paroles dont la signification etait bien differente a la
cour de l'empereur et a celle des papes, et qui faisaient entre eux
toute la difficulte des accommodemens.
Le pape repondit a l'empereur qu'il le verrait avec joie rentrer dans
la communion des fideles, et qu'il le recevrait a bras ouverts, pourvu
qu'il satisfit l'Eglise sur les points pour lesquels Gregoire, son
predecesseur, l'avait excommunie; que lui, de son cote, etait pret a
le satisfaire sur ses plaintes; qu'en cas qu'il put prouver que le
Saint-Siege lui eut fait quelque tort, il etait dans la resolution de
les reparer; qu'il s'en rapporterait volontiers au jugement des rois et
des eveques, dans un concile qu'il offrait de convoquer a ce sujet.
Il lui fit demander aussi, avant toutes choses, par ses envoyes, la
delivrance des autres personnes qui avaient ete prises sur la mer avec
les cardinaux qu'on avait deja relaches.
La negociation n'eut aucun succes, non plus que les sollicitations du
roi qui avait cette paix fort a coeur. Frederic recommenca a mettre en
usage les voies de fait. Il fit garder tous les passages des Alpes. Il
mit en mer quantite d'armateurs pour empecher que le pape put avoir
communication avec les autres princes; et quelque
|