ent qui jeta toute la
France dans la plus extreme consternation. Le roi fut attaque a Pontoise
(Joinville dit a Paris) d'une dyssenterie cruelle, jointe a une fievre
ardente, qui fit en peu de jours desesperer de sa vie. Il se condamna
lui-meme; et, apres avoir donne quelques ordres sur des affaires
importantes, il ne pensa plus qu'a paraitre au jugement de Dieu, et sans
attendre qu'on l'avertit de son devoir, il demanda et recut avec les
plus grands sentimens de piete les sacremens de l'Eglise.
C'est en ces tristes occasions que paraissent l'estime et l'amour que
les peuples ont pour leur souverain, et jamais on n'en vit de plus
sensibles et de plus sinceres marques qu'en celle-ci. L'affliction etait
generale par toute la France. La noblesse, les ecclesiastiques, le
peuple, prenaient egalement part a ce malheur public. Les eglises
ne desemplissaient point; on faisait partout des prieres et des
processions; on venait en foule de toutes les provinces, chacun voulant
s'instruire par soi-meme de l'etat ou ce prince se trouvait. Il tomba
dans une si profonde lethargie, qu'on fut en doute s'il etait mort: de
sorte qu'une dame de la cour, qui l'avait toujours soigne pendant sa
maladie, voulut lui couvrir le visage; mais une autre s'y opposa,
soutenant qu'il n'etait pas encore mort: il fut un jour dans cet etat,
et le bruit de sa mort se repandit par toute l'Europe. La reine-mere
ordonna qu'on exposat la chasse de Saint-Denis; elle fit apporter le
morceau de la vraie croix et les autres reliques qu'on avait eues de
l'empereur Baudouin, et les fit mettre sur le lit du malade, en faisant
hautement a Dieu cette fervente priere: _Seigneur, glorifiez, non pas
nous, mais votre saint nom; sauvez aujourd'hui le royaume de France
que vous avez toujours protege_. Le roi revint a l'instant de son
assoupissement, ce qui fut regarde de tout le monde comme un effet
miraculeux opere par ces sacres monumens de la passion du Sauveur du
monde. Les premieres paroles que ce prince profera dans ce moment,
furent pour demander a Guillaume d'Auvergne, eveque de Paris, homme
celebre par ses ecrits et par la saintete de sa vie, la croix, pour
faire voeu, en la prenant, d'aller au secours des Chretiens de la
Terre-Sainte, avec resolution d'employer ses armes et la vie qui lui
avait ete rendue, a les delivrer de la tyrannie des infideles. Ce fut
en vain que le sage prelat lui representa les suites d'un si grand
engagement: il insista d'un air si toucha
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