anterie, tombe
au champ d'honneur, a l'assaut des Eparges, le 20 Juin 1915._
18 Juin 1915.
Cher Papa, chere Maman,
Je suis arrive au but. Ma pensee est uniquement occupee de vos souvenirs
que je savoure seul silencieusement aux instants rares de repit et qui
reviennent vifs comme la realite presente.
Malgre l'eloignement materiel, je sens plus que jamais que notre coeur
bat identiquement, que notre cerveau fonctionne identiquement, que nos
nerfs et notre sang ne font qu'un. Oui, nous sommes philosophes.
Je suis soumis a des forces majeures eventuelles, je les connais; si
elles se presentent je les accepterai. Mais mon energie n'en est pas
moins toujours tendue, prete a tenir tete aux evenements.
J'accepterai sans sourciller l'inevitable.
Interessez-vous a quelqu'un qui le merite et rattachez-vous a l'Art.
Remy DUHEM.
_Lettre ecrite par le Sergent A. DURAND, 68e Regiment d'Infanterie,
tombe au champ d'honneur._
Ma chere petite Femme,
Mes chers petits Enfants,
Au cas ou Dieu voudrait qu'une balle meurtriere vienne me ravir a
l'affection de ma chere Marguerite, de mes enfants cheris, de mes
parents bien-aimes, tous vous trouverez une consolation en sachant que
la mort m'a surpris pret a faire le grand voyage et que du haut du
ciel, ou j'espere vous retrouver, mes prieres remplaceront tout ce que
j'aurais pu faire pour vous ici-bas.
Pour toi, ma chere petite femme, ta vie est brisee! Helas! nos beaux
jours ont ete courts et peu nombreux et tu ne doutes pas que c'est pour
moi un cruel creve-coeur que de penser que peut-etre je ne vous verrai
plus.
Mais quand meme je veux agir en Francais, en chretien et en pere de
famille, en faisant mon devoir. Si donc la mort me frappe, mon dernier
baiser, mon dernier soupir, seront pour toi, ma chere petite femme, mes
petits enfants et mes parents.
Ma chere Marguerite, tu trouveras une precieuse consolation et un fidele
souvenir en ces enfants charmants, Jeanne et Maurice. Apprends-leur le
souvenir de leur pere qui les aimait a la folie. Enseigne-leur l'amour
de Dieu, l'amour du travail, fais-leur donner une bonne education, en un
mot, fais-en un bon fils, une bonne menagere.
Conservez donc mon souvenir, mes Cheris, et soyez persuades que, quoi
qu'il arrive, je pense toujours a vous tous et que je ne veux pas me
sacrifier inutilement, n'oubliant pas que j'ai une femme et des enfants,
mais que si Dieu le veut et que le devoir m'appelle je me condu
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