milles de passage a Paris, ou a celles
qui, y residant, sont denuees de meubles.
Sous un aspect grognon et rebarbatif, le patron, M. Stephany,
cache un coeur d'or. La patronne est la plus accorte hoteliere du
royaume et la plus joyeuse.
Et puis, il y a souvent, dans le bureau, une dame qui s'appelle
Marie et qui est tres gentille. (Elle a ete un peu souffrante ces
jours-ci, mais elle va tout a fait mieux maintenant, je vous
remercie.)
L'hotel des Trois Hemispheres a cela de bon qu'il est
international, cosmopolite et meme polyglotte.
C'est depuis que j'y habite que je commence a croire a la
geographie, car jusqu'a present -- dois-je l'avouer? -- la
geographie m'avait paru de la belle blague.
En cette hostellerie, les nations les plus chimeriques semblent
prendre a tache de se donner rendez-vous.
Et c'est, par les corridors, une confusion de jargons dont la tour
de l'ingenieur Babel, pourtant si pittoresque, ne donnait qu'une
faible idee.
Le mois dernier, un clown ne natif des iles Feroe rencontra, dans
l'escalier, une jeune Armenienne d'une grande beaute.
Elle mettait tant de grace a porter ses quatre sous de lait dans
la boite de fer-blanc, que l'insulaire en devint eperdument
amoureux.
Pour avoir le consentement, on telegraphia au pere de la jeune
fille, qui voyageait en Thuringe, et a la mere, qui ne restait pas
loin du royaume de Siam.
Heureusement que le fiance n'avait jamais connu ses parents, car
on se demande ou l'on aurait ete les chercher, ceux-la.
Le mariage s'accomplit dernierement a la mairie du XVIIIe. M. Bin,
qui etait a cette epoque le maire et le pere de son
arrondissement, profita de la circonstance pour envoyer une petite
allocution sur l'union des peuples, declarant qu'il etait
resolument decide a garder une attitude pacifique aussi bien avec
les Batignolles qu'avec la Chapelle et Menilmontant.
J'ai dit plus haut que ma chambre porte le numero 80. Elle est
donc voisine du 81.
Depuis quelques jours, le 81 etait vacant.
Un soir, en rentrant, je constatai que, de nouveau, j'avais un
voisin, ou plutot une voisine.
Ma voisine etait-elle jolie? Je l'ignorais, mais ce que je pouvais
affirmer, c'est qu'elle chantait adorablement. (Les cloisons de
l'hotel sont composees, je crois, de simple pelure d'oignon.)
Elle devait etre jeune, car le timbre de sa voix etait d'une
fraicheur delicieuse, avec quelque chose, dans les notes graves,
d'etrange et de profondement troubla
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