-- Moi, je suis M. Louis de Saint-Baptiste, et je viens prendre ma
petite fille.
-- Quelle petite fille?
-- La petite fille dont Mme Balizard est accouchee la semaine
derniere.
-- C'est votre fille?
-- Parfaitement.
-- Tiens! ca m'etonne que ma femme ne m'ait pas parle de ca.
-- Elle n'y aura peut-etre pas songe.
-- Probablement.
Et, d'une voix forte, M. Balizard cria:
-- Marie!
(Marie, c'est le nom de Mme Balizard, un nom simple.) Marie arriva
et, tres simplement:
-- Tiens, fit-elle, Louis! Comment allez-vous?
Mais M. Balizard, qui etait un peu presse, abregea les effusions.
-- Ma chere amie, M. de Saint-Baptiste affirme qu'il est le pere
de la petite.
-- C'est parfaitement exact, mon ami, j'ai des raisons speciales
pour etre fixee sur ce point.
-- Alors il faut lui remettre l'enfant... Occupe-toi de ca. Je vous
demande pardon de vous quitter aussi brusquement, mais une grosse
affaire de fourniture de rails... A tout a l'heure, Marie...
Serviteur, monsieur.
Bonjour, monsieur.
UNE BIEN BONNE
Notre cousin Rigouillard etait ce qu'on appelle un drole de corps,
mais comme il avait une rondelette petite fortune, toute la
famille lui faisait bonne mine, malgre sa maniere excentrique de
vivre.
Ou l'avait-il ramassee, cette fortune, voila ce qu'on aurait ete
bien embarrasse d'expliquer clairement.
Le cousin Rigouillard etait parti du pays, tres jeune, et il etait
revenu, un beau jour, avec des colis innombrables qui recelaient
les objets les plus heteroclites, autruches empaillees, pirogues
canaques, porcelaines japonaises, etc.
Il avait achete une maison avec un petit jardin, non loin de chez
nous, et c'est la qu'il vieillissait tout doucement et tout
gaiement, s'occupant a ranger ses innombrables collections et a
faire mille plaisanteries a ses voisins et aux voisins des autres.
C'est surtout ce que lui reprochaient les gens graves du pays: un
homme de cet age-la s'amuser a d'aussi pueriles faceties, est-ce
raisonnable?
Moi qui n'etais pas un gens grave a cette epoque-la, j'adorais mon
vieux cousin qui me semblait resumer toutes les joies modernes.
Le recit des blagues qu'il avait faites en son jeune temps me
plongeait dans les delices les plus delirantes et, bien que je les
connusse toutes a peu pres par coeur, j'eprouvais un plaisir
toujours plus vif a me les entendre conter et raconter.
-- Et toi, me disait mon cousin, as-tu fait des blagues a tes
pions, a
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