u en vendre une seule aux gens des autres communes. On
suppose que Grailly-sur-Toucque est une ancienne colonie
africaine, amenee en Normandie par Jules Cesar. Les savants ne
sont pas bien d'accord sur ce cas tres curieux d'ethnographie.
Le lendemain, j'eus du phenomene une explication moins
ethnographique, mais plus plausible.
Je rencontrai la bonne mere Toutain, l'hotesse de la ferme Simeon,
ou logeait Sapeck.
La mere Toutain etait dans tous ses etats
-- Ah! il m'en a fait des histoires, votre ami Sapeck! Imaginez-
vous qu'il est venu hier des gens de la paroisse de Grailly en
pelerinage a Notre-Dame-de-Grace. Ces gens ont mis leurs chevaux
et leurs anes a notre ecurie. M. Sapeck a envoye tout mon monde
lui faire des commissions en ville. Moi, j'etais a mon marche.
Pendant ce temps-la, M. Sapeck a ete emprunter des pots de
peinture aux peintres qui travaillent a la maison de M. Dufay, et
il a fait des raies a tous les chevaux et a tous les bourris des
gens de Grailly. Quand on s'en est apercu, la peinture etait
seche. Pas moyen de l'enlever! Ah! ils en ont fait une vie, les
gens de Grailly! Ils parlent de me faire un proces. Sacre
M. Sapeck, va!
Sapeck repara noblement sa faute, le lendemain meme.
Il recruta une dizaine de ces lascars oisifs et mal tenus, qui
sont l'ornement des ports de mer.
Il empila ce joli monde dans un immense char a bancs, avec une
provision de brosses, d'etrilles et quelques bidons d'essence.
A son de trompe, il pria les habitants de Grailly, detenteurs de
zebres provisoires, d'amener leurs betes sur la place de la
mairie.
Et les lascars mal tenus se mirent a dezebrer ferme.
Quelques heures plus tard, il n'y avait pas plus de zebres dans
l'ancienne colonie africaine que sur ma main.
J'ai voulu raconter cette innocente, veridique et amusante farce
du pauvre Sapeck, parce qu'on lui en a mis une quantite sur le
dos, d'idiotes et auxquelles il n'a jamais songe.
Et puis, je ne suis pas fache de detromper les quelques touristes
ingenus qui pourraient croire au fourmillement du zebre sur
certains points de la cote normande.
SIMPLE MALENTENDU
Angeline (vous ai-je dit qu'elle se nommait Angeline?) rappelait
d'une facon frappante la Vierge a la chaise de Raphael, moins la
chaise, mais avec quelque chose de plus reserve dans la
physionomie.
Grande, blonde, distinguee, Angeline ne descendait pourtant pas
d'une famille cataloguee au Gotha, ni meme au Bottin.
Son p
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