s presse que de
m'informer de ma petite amie.
Helas! que de changements dans la famille!
Le pere mort noye dans une partie en mer. (On ne put jamais
retrouver la moindre trace de sa fortune et ce resta toujours un
mystere de savoir comment il avait vecu, jusqu'a present, dans une
aisance relativement considerable.)
Miss Grace partie aux Indes, comme gouvernante dans la famille
d'un major ecossais; Lily adoptee par un pasteur, qui rougissait
d'avoir seulement quatorze filles sur dix-sept enfants.
Quant a Mam'zelle Miss, je ne voulus pas croire a sa nouvelle
situation.
Et pourtant, c'etait vrai.
Mam'zelle Miss, caissiere chez un boucher.
Vingt fois dans la journee, je repassai devant la boutique.
C'etait Justement jour de marche.
Le magasin s'encombrait sans relache de paysans, de cuisinieres et
de dames de la ville Les garcons, affaires, coupaient, taillaient
dans les gros tas de viande, tapaient fort, livraient la
marchandise avec des commentaires ou ne reluisait pas toujours le
bon gout. Et c'etaient des discussions sans fin a propos du choix
des morceaux, du poids et des os.
Dans tout ce brouhaha, Mam'zelle Miss, tranquille, executait de
petites factures vertigineusement rapides et sans nombre.
Severement vetue de noir, un col droit, des manchettes blanches
etroites, elle avait, malgre sa figure restee enfantine, un air,
amusant comme tout, de petite femme raisonnable.
De temps en temps, elle s'interrompait de son travail pour lisser,
d'un geste furtif, des frisons qui s'envolaient sur son front.
A la fin, elle leva la tete et jeta dans la rue un regard
distrait. Elle m'apercut plante la et me fixa pendant quelques
secondes avec cette insolence candide, mais genante, des jeunes
filles myopes.
A son pale sourire, je compris que j'etais reconnu et je fus tout
a fait heureux.
Vers la fin des vacances, un jour, je ne l'apercus plus dans la
boutique.
Ni le lendemain.
Je m'informai d'elle, le soir, a un jeune garcon boucher, qui me
dit:
-- Depuis longtemps le patron se doutait de quelque chose. Avant-
hier, la nuit, en revenant du marche de Beaumont, il est monte
dans sa chambre, et il l'a trouvee couchee avec le premier garcon,
tous les deux saouls comme des grives. Alors, il les a fichus a la
porte.
LE BON PEINTRE
Il etait a ce point preoccupe de l'harmonie des tons, que
certaines couleurs mal arrangees dans des toilettes de
provinciales ou sur des toiles de membres de l'
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