rs plats, pleins de confort.
Mais toujours de la bonne cordonnerie cossue.
Les hommes se renouvelaient, et on devinait en eux des gaillards a
leur aise.
Et, en somme, se renouvelaient-ils tant que ca? Pas tant que ca,
car, a force d'habitude, j'arrivai a les reconnaitre et a savoir
leur jour.
Ainsi, les solides chaussures passaient sur le paillasson infame
la nuit du mardi au mercredi.
La nuit du mercredi au jeudi etait reservee aux bottes fines, et
ce fut toujours le dimanche soir que je remarquai les larges
souliers plats.
Un seul jour de la semaine, ou plutot une seule nuit, les jolies
petites bottines restaient seules.
Et ce qu'elles avaient l'air de s'embeter, les pauvres petites!
Souvent j'eus l'idee de leur proposer ma societe, mais je ne les
connaissais vraiment pas assez pour ca.
Et regulierement, toutes les nuits du jeudi, les petites bottines
se morfondaient en leur pitoyable solitude.
Je n'avais jamais vu la dame hospitaliere, mais je grillais du
desir d'entrer en relations avec elle; ses bottines etaient si
engageantes!
Et un beau jour, dans l'apres-midi, je frappai a la porte.
Une maniere de petite bourgeoise infiniment jolie, un peu trop
serieuse peut-etre, vint m'ouvrir.
Je crus m'etre trompe, mais un rapide coup d'oeil sur les bottines
me rassura: c'etait bien la personne.
J'incendiai mes vaisseaux et declarai ma flamme.
Elle ecouta ma requete avec un petit air grave, en bonne
commercante qui recevrait une commande et se verrait desolee de la
refuser:
-- Je suis navree, monsieur, impossible... Tout mon temps est pris.
-- Pourtant, insistai-je, le jeudi?
Elle reflechit deux secondes.
-- Le jeudi? J'ai mon cul-de-jatte.
FAMILLE
Ribeyrou et Delavanne, les deux inseparables, avaient passe cet
apres-midi de dimanche au Quartier latin. Avec une conscience
scrupuleuse, ils avaient visite tous les caboulots a filles et les
grands cafes.
Vers sept heures, ils se souvinrent brusquement d'une invitation a
diner boulevard de Clichy.
L'omnibus de la place Pigalle leur tendait les bras. Ils s'y
installerent, legerement emus.
Sur le parcours de ce vehicule se trouve le quai des Orfevres.
Bien curieux, ce quai. Toutes les maisons s'y ressemblent:
boutiques au rez-de-chaussee, et au-dessus des boutiques un petit
entresol tres bas, qui semble plutot une cabine de bateau qu'un
appartement de terre ferme.
Comme les boutiques sont elles-memes assez basses,
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