ent, fort inquiets de leurs compagnons, et ils
furent recus avec des cris de joie par Gervique; Turquiette et Gradlin,
Tous etaient en bonne sante, et cependant ils avaient couru, eux aussi,
les plus grands dangers.
La tempete s'etait fait ressentir dans toute la mer polaire. Les glaces
avaient ete brisees et deplacees, et, glissant les unes cous les autres,
elles avaient saisi le lit sur lequel reposait le navire. Leur pesanteur
specifique tendant a les ramener au-dessus de l'eau, elles avaient
acquis une puissance incalculable, et le brick s'etait trouve soudain
eleve hors des limites de la mer.
Les premiers moments furent donnes a la joie du retour. Les marins de
l'exploration se rejouissaient de trouver toutes les choses en bon etat,
ce qui leur assurait un hiver rude, sans doute, mais enfin supportable.
L'exhaussement du navire ne l'avait pas ebranle, et il etait
parfaitement solide. Lorsque la saison du degel serait venue, il n'y
aurait plus qu'a le faire glisser sur un plan incline, a le lancer, en
un mot, dans la mer redevenue libre.
Mais une mauvaise nouvelle assombrit le visage de Jean Cornbutte et de
ses compagnons. Pendant la terrible bourrasque, le magasin de neige
construit sur la cote avait ete entierement brise; les vivres qu'il
renfermait etaient disperses, et il n'avait pas ete possible d'en sauver
la moindre partie. Des que ce malheur leur fut appris, Jean et Louis
Cornbutte visiterent la cale et la cambuse du brick, pour savoir a quoi
s'en tenir sur ce qui restait de provisions.
Le degel ne devait arriver qu'avec le mois de mai.
Le brick ne pouvait quitter la baie d'hivernage avant cette epoque.
C'etait donc cinq mois d'hiver qu'il fallait passer au milieu des
glaces, pendant lesquels quatorze personnes devaient etre nourries.
Calculs et comptes faits, Jean Cornbutte comprit qu'il atteindrait tout
au plus le moment du depart, en mettant tout le monde a la demi-ration.
La chasse devint donc obligatoire pour procurer de la nourriture en plus
grande abondance.
De crainte que ce malheur ne se renouvelat, on resolut de ne plus
deposer de provisions a terre. Tout demeura a bord du brick, et on
disposa egalement des lits pour les nouveaux arrivants dans le logement
commun des matelots. Turquiette, Gervique et Gradlin, pendant l'absence
de leurs compagnons, avaient creuse un escalier dans la glace qui
permettait d'arriver sans peine au pont du navire.
XIII
LES DEUX RIVAUX
Andre V
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