apercumes
bientot que les circonstances atmospheriques n'etaient plus les memes.
Le soleil nous frappait de ses rayons ardents, et leur reflexion sur la
neige doublait notre supplice. La rarefaction de l'air commencait a se
faire cruellement sentir. Nous avancions lentement, en faisant des
haltes frequentes, et nous finissons par atteindre le plateau qui domine
le second escarpement des rochers Rouges. Nous etions au pied du mont
Blanc. Il s'elevait, seul et majestueux, a une hauteur de 200 metres
au-dessus de nous. Le mont Rose lui-meme avait baisse pavillon!
Levesque et moi, nous etions absolument a bout de forces. Quant a M.
N..., qui nous avait rejoints au sommet du Corridor, on peut dire qu'il
etait insensible a la rarefaction de l'air, car il ne respirait plus,
pour ainsi dire.
Nous commencons enfin a escalader le dernier degre. Nous faisions dix
pas et nous nous arretions, nous trouvant dans l'impossibilite absolue
d'aller plus loin. Une contraction douloureuse de la gorge rendait notre
respiration encore plus difficile. Nos jambes nous refusaient le
service, et je compris alors cette expression pittoresque de Jacques
Balmat, quand, en racontant sa premiere ascension, il dit que "ses
jambes semblaient ne plus tenir qu'a l'aide de son pantalon". Mais un
sentiment plus fort dominait la matiere, et si le corps demandait grace,
le coeur, repondant: Excelsior! Excelsior! etouffait ces plaintes
desesperees, et poussait en avant et malgre elle notre pauvre machine
detraquee. Nous passons ainsi les Petits-Mulets, rochers situes a 4,666
metres, et, apres deux heures d'efforts surhumains, nous dominons enfin
la chaine entiere. Le mont Blanc est sous nos pieds!
Il etait midi quinze minutes.
L'orgueil du succes nous remit promptement de nos fatigues. Nous avions
donc enfin conquis cette cime redoutee! Nous dominions toutes les
autres, et cette pensee, que le mont Blanc seul peut faire naitre, nous
plongeait dans une emotion profonde. C'etait l'ambition satisfaite, et,
pour moi surtout, un reve devenu realite!
Le mont Blanc est la plus haute montagne de l'Europe. Un certain nombre
de montagnes en Asie et en Amerique sont plus elevees, mais a quoi bon
les affronter, si, par impossibilite absolue d'en atteindre la cime, on
doit en fin de compte rester domine par elles?
D'autres, telles que le Cervin, par exemple, sont d'un acces encore plus
difficile, mais le sommet de ce mont, nous l'apercevons a quatre cents
metr
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