es au-dessous de nous!
Et puis, quel spectacle pour nous recompenser de nos peines! Le ciel,
toujours pur, avait pris une teinte d'un bleu tres-fonce. Le soleil,
depouille d'une partie de ses rayons, avait perdu son eclat, comme dans
une eclipse partielle. Cet effet, du a la rarefaction de l'atmosphere,
etait d'autant plus sensible que les montagnes et les plaines
environnantes etaient inondees de lumiere. Aussi, aucun detail ne nous
echappait.
Au sud-est, les montagnes du Piemont, et plus loin les plaines de la
Lombardie, fermaient notre horizon. Vers l'ouest, les montagnes de la
Savoie et celles du Dauphine; au dela, la vallee du Rhone. Au
nord-ouest, le lac de Geneve, le Jura; puis, en redescendant vers le
sud, un chaos de montagnes et de glaciers, quelque chose
d'indescriptible, domine par le massif du mont Rose, les
Mischabelhoerner, le Cervin, le Weishorn, la plus belle des cimes, comme
l'appelle le celebre ascensionniste Tyndall, et plus loin par la
Jungfrau, le Monch, l'Eiger et le Finsteraarhorn.
On ne peut evaluer a moins de soixante lieues l'etendue de notre rayon.
Nous decouvrions donc cent vingt lieues de pays au moins.
Une circonstance particuliere vint encore augmenter la beaute du
spectacle. Des nuages se formerent du cote de l'Italie et envahirent les
vallees des Alpes Pennines, mais sans en voiler les sommets. Nous eumes
bientot sous les yeux un second ciel, un ciel inferieur, une mer de
nuages d'ou emergeait tout un archipel de pics et de montagnes couverts
de neige. C'etait quelque chose de magique que le plus grand des poetes
rendrait a peine.
Le sommet du mont Blanc forme une arete dirigee du sud-ouest au
nord-est, longue de deux cents pas et large d'un metre au point
culminant. On dirait une coque de navire renverse, la quille en l'air.
Chose tres-rare, la temperature etait alors fort elevee, 10 degres
au-dessus de zero. L'air etait presque calme. Parfois une legere brise
d'est se faisait sentir.
Le premier soin de nos guides avait ete de nous placer tous en ligne sur
la crete faisant face a Chamonix, pour qu'on put d'en bas facilement
nous compter et s'assurer que personne ne manquait a l'appel. Nombre de
touristes s'etaient rendus au Brevent et au Jardin pour suivre notre
ascension. Ils purent en constater le succes.
Mais ce n'est pas tout que de monter, il fallait songer a redescendre.
Le plus difficile, sinon le plus fatigant, restait a faire; et puis, on
quitte a regret une
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