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neanmoins un supreme appel a notre energie, et, apres trois ou quatre
culbutes, tires par les uns, pousses par les autres, nous atteignons
enfin un monticule de neige, sur lequel nous tombons epuises. Nous
etions hors de danger.
Il nous fallait quelque temps pour nous remettre. Aussi nous
etendimes-nous sur la neige avec une satisfaction que tout le monde
comprendra. Les plus grandes difficultes etaient desormais vaincues, et
s'il restait encore quelques dangers a courir, nous pouvions les
affronter sans grande apprehension.
Dans l'espoir d'assister a la chute de l'avalanche, nous prolongeames
notre halte, mais nous attendimes en vain. Comme la journee s'avancait
et qu'il n'etait pas prudent de s'attarder dans ces solitudes glacees,
nous nous decidons a continuer notre route, et, vers cinq heures, nous
atteignons la cabane des Grands-Mulets.
Apres une mauvaise nuit et un violent acces de fievre occasionne par les
coups de soleil que nous avions rapportes de notre expedition, nous nous
disposons a regagner Chamonix; mais avant de partir, nous inscrivons,
suivant l'usage, sur le registre depose a cet effet aux Grands-Mulets,
les noms de nos guides et les principales circonstances de notre voyage.
En feuilletant ce registre, qui contient l'expression plus ou moins
heureuse, mais toujours sincere, des sentiments qu'eprouvent les
touristes a la vue d'un monde si nouveau, je remarquai un hymne au mont
Blanc, ecrit en langue anglaise. Comme il resume assez bien mes propres
impressions, je vais essayer de le traduire:
Le mont Blanc, ce geant dont la fiere attitude
Ecrase ses rivaux, jaloux de sa beaute,
Ce colosse imposant qui, dans sa solitude,
Semble defier l'homme, eh bien! je l'ai dompte!
Oui, malgre ses fureurs, sur sa cime orgueilleuse,
J'ai, sans palir, grave l'empreinte de mes pas.
J'ai terni de ses flancs l'hermine radieuse,
Bravant vingt fois la mort et ne reculant pas.
Ah! quelle ivresse immense, alors que l'on domine
Ce monde merveilleux, ce chaos saisissant
De glaciers, de ravins et de rochers que mine
L'ouragan dechaine qui hurle en bondissant.
Mais d'ou vient ce fracas? La montagne s'ecroule!
Va-t-elle s'abimer? Quel bruit sourd et profond!
Non, c'est l'irresistible avalanche qui roule.
Bondit et disparait dans un gouffre sans fond.
Mont Rose, voila donc ta cime eblouissante!
Te voila, mont Cervin, sinistre et redoute!
Et vous, Welterhorners, dont la masse puissante
Voile de la Jungf
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