s
accepter."
Apres cette affirmation qui n'est flatteuse ni pour Casimir Dudevant, ni
pour Aurelien de Seze, ni pour Jules Sandeau, ni pour Prosper Merimee,
George Sand ajoute, comme si elle reclamait la benediction d'un confesseur:
"Je suis heureuse, remerciez Dieu pour moi... Si vous etes etonne et
effraye peut-etre de ce choix, de cette reunion de deux etres qui, chacun
de leur cote, niaient ce qu'ils ont cherche et trouve l'un dans l'autre,
attendez, pour en augurer les suites, que je vous aie mieux raconte ce
nouveau roman... Je ne sais pas si ma conduite hardie vous plaira.
Peut-etre trouverez-vous qu'une femme doit cacher ses affections. Mais je
vous prie de voir que je suis dans une situation tout a fait
exceptionnelle, et que je suis forcee de mettre desormais ma vie privee au
grand jour."
Pour avancer dans cette voie sans encombre, elle demande l'assistance de
deux ou trois nobles ames, entre lesquelles est Sainte-Beuve, et elle
conclut sur le mode mystique: "Ce sont des freres et des soeurs que je
retrouverai dans le sein de Dieu au bout du pelerinage." Un mois plus tard,
elle reprend son hosannah, dans une lettre du 19 septembre au meme
Sainte-Beuve: "Je suis heureuse, tres heureuse, mon ami. Chaque jour je
m'attache davantage a _lui_; chaque jour je vois s'effacer de lui les
petites choses qui me faisaient souffrir; chaque jour je vois luire et
briller les belles choses que j'admirais. Et puis encore, par dessus tout,
ce qu'il est, il est _bon enfant_, et son intimite m'est aussi douce que
sa preference m'a ete precieuse. Vous etes heureux aussi, mon ami. Vous
aimez, vous etes aime. Tant mieux. Apres tout, voyez-vous, il n'y a que
cela de bon sur la terre. Le reste ne vaut pas la peine qu'on se donne
pour manger et dormir tous les jours."
Pendant que George Sand epanchait ainsi ses confessions et son bonheur,
Alfred de Musset s'etait installe chez elle. De cette vie nouvelle, ou la
delicatesse du poete supportait malaisement certains bohemes, hotes
familiers du logis, Paul de Musset nous a trace, dans _Lui et Elle_, une
peinture un peu chargee. George Sand eut tot fait, d'ailleurs, d'ecarter
ceux de ses amis, de vieille ou fraiche date, qui deplaisaient a son
aristocratique compagnon. Il semble, toutefois, qu'Alfred de Musset, au
debut, ne temoigna pas des repugnances aussi vives, non plus que des
exigences aussi acariatres; car c'est la belle humeur qui domine dans les
versiculets par lui consacres
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