qui,
assise sur un petit siege, la tete mollement appuyee sur sa main, me pria
de la soulager d'une forte migraine. Je lui tatai le pouls; je lui
proposai une saignee qu'elle accepta; je la pratiquai, et a l'instant elle
fut soulagee. En me congediant, elle me pria de revenir, si elle ne me
faisait rien dire. Le jeune homme blond, son compagnon inseparable, me
reconduisit avec beaucoup de courtoisie jusqu'au bas de l'escalier, et
voila tout, tout ce qui est arrive aujourd'hui; mais un
pressentiment--doux ou amer, je ne sais--me dit: "Tu reverras cette femme,
et elle te dominera."
Notons que deja George Sand avait fait venir un medecin, le docteur
Santini, qui n'avait pas pu la saigner, parce qu'elle avait, parait-il,
une veine fort difficile, _vena difficilissima_. Elle prefera Pagello,
qui avait su trouver sa veine et qui etait un fort joli garcon blond,
presque roux, de vingt-sept ans. Elle aimait les blonds. Le surlendemain,
il fit une seconde visite. Elle etait debout et guerie. Quinze ou vingt
jours plus tard, on l'appela de nouveau, mais non plus pour George Sand.
Voici la traduction du billet qu'elle lui avait ecrit, en mauvais italien:
"Mon cher monsieur Paiello (Pagello),
"Je vous prie de venir nous voir le plus tot que vous pourrez, avec un bon
medecin, pour conferer ensemble sur l'etat du _signor_ francais de
l'Hotel-Royal. Mais je veux vous dire auparavant que je crains pour sa
raison plus que pour sa vie. Depuis qu'il est malade, il a la tete
excessivement faible et raisonne souvent comme un enfant. C'est cependant
un homme d'un caractere energique et d'une puissante imagination. C'est un
poete fort admire en France. Mais l'exaltation du travail de l'esprit, le
vin, la fete, les femmes, le jeu, l'ont beaucoup fatigue et ont excite ses
nerfs. Pour le moindre motif, il est agite comme pour une chose
d'importance.
"Une fois, il y a trois mois de cela, il a ete comme fou, toute une nuit,
a la suite d'une grande inquietude. Il voyait comme des fantomes autour de
lui, et criait de peur et d'horreur[6]. A present, il est toujours inquiet,
et, ce matin, il ne sait presque ni ce qu'il dit, ni ce qu'il fait. Il
pleure, se plaint d'un mal sans nom et sans cause, demande son pays, dit
qu'il est pres de mourir ou de devenir fou!
[Note 6: Elle fait allusion aux hallucinations survenues a Franchard.]
"Je ne sais si c'est la le resultat de la fievre, ou de la surexcitation
des nerfs, ou d'un principe de folie.
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