r de la copie a Buloz, il reprenait la vie de
noctambule, qui a Paris commencait de l'epuiser et faisait le desespoir de
madame de Musset. Il courait les tavernes et les filles, doublement
intemperant. Deja, a Genes, a Florence, George Sand avait eu sujet de
plainte. Des l'arrivee a Venise, elle avait ferme sa porte. Ils n'etaient
plus qu'amis, ils avaient recouvre leur liberte respective. C'est ce que
passent sous silence tous les biographes et les apologistes d'Alfred de
Musset.
Les deux voyageurs s'etaient installes dans un appartement de l'hotel
Danieli. George Sand dut s'aliter durant deux semaines. Pendant sa maladie,
Musset frequentait les brelans; car il n'etait pas seulement buveur et
libertin, mais follement joueur. Il perdit dix mille francs et alla le
lendemain se confesser a son amie: il lui fallait payer ou se tuer. George
Sand--et nous avons sur ce point le temoignage d'Edmond Plauchut--demanda
la somme a Buloz, a titre d'avance qu'elle devait rembourser en copie. Par
retour du courrier le directeur de la _Revue_ lui accorda satisfaction.
Des le debut de sa convalescence, elle fut donc obligee de se remettre au
travail pour acquitter en manuscrit les dettes de jeu du poete. Jamais les
defenseurs d'Alfred de Musset n'ont revoque en doute l'allegation formelle
d'Edmond Planchut et de Francois Buloz.
A peine George Sand avait-elle repris sa tache litteraire qu'elle dut
mener de front des devoirs de garde-malade. Elle s'en explique avec un
tact et une delicatesse extremes dans l'_Histoire de ma Vie_: "Alfred de
Musset subit bien plus gravement que moi l'effet de l'air de Venise, qui
foudroie beaucoup d'etrangers, on ne le sait pas assez. Il fit une maladie
grave; une fievre typhoide le mit a deux doigts de la mort. Ce ne fut pas
seulement le respect du a un beau genie qui m'inspira pour lui une grande
sollicitude et qui me donna, a moi tres malade aussi, des forces
inattendues; c'etait aussi les cotes charmants de son caractere et les
souffrances morales que de certaines luttes, entre son coeur et son
imagination creaient sans cesse a cette organisation de poete. Je passai
dix-sept jours a son chevet, sans prendre plus d'une heure de repos sur
vingt-quatre."
C'est bien une fievre typhoide que relate George Sand, et il n'est pas
permis de transformer la nature de la maladie, comme l'a fait sans aucune
preuve l'ecrivain russe Wladimir Karenine, en une note ainsi concue: "Il a
ete beaucoup parle dans la pre
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