qui devaient supporter le premier
choc du fauve, achevaient a peine de se masser prudemment derriere son
cheval, que, deja, le taureau faisait son entree.
C'etait une bete splendide: noire tachetee de blanc, sa robe etait
luisante et bien fournie, les jambes courtes et vigoureuses, le cou
enorme; la tete puissante, aux yeux noirs et intelligents, aux cornes
longues et effilees, etait fierement redressee, dans une attitude de
force et de noblesse impressionnantes.
En sortant du toril, ou depuis de longues heures il etait demeure dans
l'obscurite, il s'arreta tout d'abord, comme ebloui par l'aveuglante
lumiere d'un soleil rutilant, inondant la place. Le taureau se
presentant noblement, les bravos saluerent son entree, ce qui parut le
surprendre et le deconcerter.
Bientot, il se ressaisit et il secoua sa tete entre les cornes de
laquelle pendait le flot de rubans dont Barba Roja devait s'emparer pour
etre proclame vainqueur; a moins qu'il ne preferat tuer le taureau,
auquel cas le trophee lui revenait de droit, meme si la bete etait mise
a mort par l'un de ses hommes et par n'importe quel moyen.
Le taureau secoua plusieurs fois sa tete, comme s'il eut voulu jeter bas
la sorte de stupeur qui pesait sur lui. Puis, son oeil de feu parcourut
la piste. Tout de suite, a l'autre extremite, il decouvrit le cavalier
immobile, attendant qu'il se decidat a prendre l'offensive.
Des qu'il apercut cette statue de fer, il se rua en un galop effrene.
C'etait ce qu'attendait l'armure vivante, qui partit a fond de train, la
lance en arret.
Et, tandis que l'homme et la bete, rues en une course echevelee
foncaient droit l'un sur l'autre, un silence de mort plana sur la foule
angoissee.
Le choc fut epouvantablement terrible.
De toute la force des deux elans contraires, le fer de la lance penetra
dans la partie superieure du cou.
Barba Roja se raidit dans un effort de tous ses muscles puissants pour
obliger le taureau a passer a sa droite, en meme temps qu'il tournait
son cheval a gauche. Mais le taureau poussait de toute sa force
prodigieuse, augmentee encore par la rage et la douleur, et le cheval,
dresse droit sur ses sabots de derriere, agitait violemment dans le vide
ses jambes de devant.
Un instant, on put craindre qu'il ne tombat a la renverse, ecrasant son
cavalier dans sa chute.
Pendant ce temps, les aides de Barba Roja, se glissant derriere la bete,
s'efforcaient de lui trancher les jarrets au moyen de long
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