qui venait de ramasser un bijou
dans la poussiere.
--Il y a des aristocrates ici! s'ecria cet homme, en montrant a la foule
une petite croix ornee de brillants qui scintillaient au soleil.
--Tu en as menti! repliqua le mysterieux adorateur de Marguerite, en
prenant l'homme a la gorge et en lui arrachant le bijou.
--Cette croix est a moi, dit timidement la jeune fille.
En parlant de la sorte, elle tendait la main pour s'en emparer.
--Taisez-vous! lui dit a voix basse son protecteur inconnu. Voulez-vous
donc vous perdre?... Sauvez-vous! Il en est temps encore!
--Il a raison, dit Dominique.
Puis il ajouta avec intention, mais de maniere a n'etre entendu que du
jeune homme:
--Sauvons-nous, ma fille! viens, mon enfant!
--Au nom du ciel, partez vite! leur dit encore l'homme du peuple.
Le vieux domestique entraina la jeune fille. Grace au tumulte que cette
scene avait occasionne, ils purent disparaitre sans attirer l'attention de
leurs voisins.
Cependant le patriote, humilie de sa chute, s'etait releve, l'oeil menacant
et l'injure a la bouche.
--Mort aux aristocrates! dit-il.
--A la lanterne! a la lanterne! s'ecria la foule.
--Vous n'avez donc pas assez de soleil comme ca? dit le sauveur de
Marguerite en regardant la multitude avec un sourire ironique. Essayez de
me hisser a la place de vos reverberes!
En meme temps, il se rejeta en arriere, par un brusque mouvement, et fit
face a ses adversaires.
--Il est brave! s'ecria-t-on dans la foule.
--C'est un aristocrate! dit une voix.
--Pourquoi porte-t-il une croix sur lui? demanda l'homme du peuple qui
s'etait vu terrasser.
--Parce que cela me plait! repondit le jeune homme, en se croisant les bras
sur la poitrine.
--C'est defendu!
--Defendu?... Vous etes plaisants, sur mon honneur! repliqua l'accuse. Vous
promenez dans vos rues la deesse de la Liberte, et je n'aurais pas le droit
d'agir comme bon me semble?
--Il a raison, dirent plusieurs assistants.
--C'est un agent de Pitt et de Cobourg, reprit l'homme du peuple. A la
lanterne, l'aristocrate!
--Oui! a la lanterne!
Et la foule resserra le demi-cercle qu'elle formait devant le jeune homme.
--Pensez-vous m'intimider? dit-il en s'appuyant prudemment contre le mur
d'une maison, pour n'etre pas entoure.
Mais sa noble attitude ne pouvait maitriser longtemps les mauvais instincts
de la foule. Les sabres, les piques, les baionnettes s'abaisserent, et la
muraille de fer s'ava
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