ville et nous ferme le passage de la Tyne, que
vos sentinelles ont du voir ce mouvement, et que je n'en suis pas
averti; il y a que vous m'avez, par un infame traite, vendu deux
cent mille livres sterling au parlement, mais que de ce traite au
moins j'en suis averti. Voici ce qu'il y a, messieurs; repondez ou
disculpez-vous, car je vous accuse.
-- Sire, balbutia le comte de Loewen, sire, Votre Majeste aura ete
trompee par quelque faux rapport.
-- J'ai vu de mes yeux l'armee ennemie s'etendre entre moi et
Ecosse, dit Charles, et je puis presque dire: J'ai entendu de mes
propres oreilles debattre les clauses du marche.
Les chefs ecossais se regarderent en froncant le sourcil a leur
tour.
-- Sire, murmura le comte de Loewen courbe sous le poids de la
honte, sire, nous sommes prets a vous donner toutes preuves.
-- Je n'en demande qu'une seule, dit le roi. Mettez l'armee en
bataille et marchons a l'ennemi.
-- Cela ne se peut pas, sire, dit le comte.
-- Comment! cela ne se peut pas! et qui empeche que cela se
puisse? s'ecria Charles Ier.
-- Votre Majeste sait bien qu'il y a treve entre nous et l'armee
anglaise, repondit le comte.
-- S'il y a treve, l'armee anglaise l'a rompue en sortant de la
ville, contre les conventions qui l'y tenaient enfermee; or, je
vous le dis, il faut passer avec moi a travers cette armee et
rentrer en Ecosse, et si vous ne le faites pas, eh bien!
choisissez entre les deux noms qui font les hommes en mepris et en
execration aux autres hommes: ou vous etes des laches, ou vous
etes des traitres!
Les yeux des Ecossais flamboyerent, et, comme cela arrive souvent
en pareille occasion, ils passerent de l'extreme honte a l'extreme
impudence, et deux chefs de clan s'avancant de chaque cote du roi:
-- Eh bien, oui, dirent-ils, nous avons promis de delivrer Ecosse
et l'Angleterre de celui qui depuis vingt-cinq ans boit le sang et
l'or de l'Angleterre et de Ecosse Nous avons promis, et nous
tenons nos promesses. Roi Charles Stuart, vous etes notre
prisonnier.
Et tous deux etendirent en meme temps la main pour saisir le roi;
mais avant que le bout de leurs doigts touchat sa personne, tous
deux etaient tombes, l'un evanoui et l'autre mort.
Athos avait assomme l'un avec le pommeau de son pistolet, et
Aramis avait passe son epee au travers du corps de l'autre.
Puis, comme le comte de Loewen et les autres chefs reculaient
devant ce secours inattendu qui semblait tomber du ciel a celu
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