- C'est le fils de Milady, dit Athos a d'Artagnan.
-- Je l'ai reconnu.
-- C'est le moine, dit Porthos a Aramis.
-- Je le sais.
En meme temps les rangs commencerent a s'ouvrir. D'Artagnan tenait
la bride du cheval d'Athos, Porthos celle du cheval d'Aramis.
Chacun deux essayait d'entrainer son prisonnier loin du champ de
bataille.
Ce mouvement decouvrit l'endroit ou etait tombe le corps de de
Winter. Avec l'instinct de la haine, Mordaunt l'avait retrouve, et
le regardait, penche sur son cheval, avec un sourire hideux.
Athos, tout calme qu'il etait, mit la main a ses fontes encore
garnies de pistolets.
-- Que faites-vous? dit d'Artagnan.
-- Laissez-moi le tuer.
-- Pas un geste qui puisse faire croire que vous le connaissez, ou
nous sommes perdus tous quatre.
Puis se retournant vers le jeune homme:
-- Bonne prise! s'ecria-t-il, bonne prise! ami Mordaunt. Nous
avons chacun le notre, M. du Vallon et moi: des chevaliers de la
jarretiere, rien que cela.
-- Mais, s'ecria Mordaunt, regardant Athos et Aramis avec des yeux
sanglants, mais ce sont des Francais, ce me semble?
-- Je n'en sais ma foi rien. Etes-vous Francais, monsieur?
demanda-t-il a Athos.
-- Je le suis, repondit gravement celui-ci.
-- Eh bien! mon cher monsieur, vous voila prisonnier d'un
compatriote.
-- Mais le roi? dit Athos avec angoisse, le roi?
D'Artagnan serra vigoureusement la main de son prisonnier et lui
dit:
-- Eh! nous le tenons, le roi!
-- Oui, dit Aramis, par une trahison infame.
Porthos broya le poignet de son ami et lui dit avec un sourire:
-- Eh! monsieur! la guerre se fait autant par l'adresse que par la
force: regardez!
En effet on vit en ce moment l'escadron qui devait proteger la
retraite de Charles s'avancer a la rencontre du regiment anglais,
enveloppant le roi, qui marchait seul a pied dans un grand espace
vide. Le prince etait calme en apparence, mais on voyait ce qu'il
devait souffrir pour paraitre calme; ainsi la sueur coulait de son
front, et il s'essuyait les tempes et les levres avec un mouchoir
qui chaque fois s'eloignait de sa bouche teint de sang.
-- Voila Nabuchodonosor, s'ecria un des cuirassiers de Cromwell,
vieux puritain, dont les yeux s'enflammerent a l'aspect de celui
qu'on appelait le tyran.
-- Que dites-vous donc, Nabuchodonosor? dit Mordaunt avec un
sourire effrayant. Non, c'est le roi Charles Ier, le bon roi
Charles qui depouille ses sujets pour en heriter.
Charle
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