rien a dire a cela, c'etait au contraire une
attention delicate dont il fallait avoir l'air de savoir gre a
celui qui l'avait eue. D'Artagnan remercia le sergent et lui donna
une couronne pour boire a la sante du general Cromwell.
Le sergent repondit que les puritains ne buvaient point et mit la
couronne dans sa poche.
-- Ah! dit Porthos, quelle affreuse journee, mon cher d'Artagnan!
-- Que dites-vous la, Porthos, vous appelez une affreuse journee
celle dans laquelle nous avons retrouve nos amis!
-- Oui, mais dans quelle circonstance!
Il est vrai que la conjoncture est embarrassante, dit d'Artagnan;
mais n'importe, entrons chez eux, et tachons de voir clair un peu
dans notre position.
-- Elle est fort embrouillee, dit Porthos, et je comprends
maintenant pourquoi Aramis me recommandait si fort d'etrangler cet
affreux Mordaunt.
-- Silence donc! dit d'Artagnan, ne prononcez pas ce nom.
-- Mais, dit Porthos, puisque je parle francais et qu'ils sont
anglais!
D'Artagnan regarda Porthos avec cet air d'admiration qu'un homme
raisonnable ne peut refuser aux enormites de tout genre.
Puis, comme Porthos de son cote le regardait sans rien comprendre
a son etonnement, d'Artagnan le poussa en lui disant:
-- Entrons.
Porthos entra le premier, d'Artagnan le second; d'Artagnan referma
soigneusement la porte et serra successivement les deux amis dans
ses bras.
Athos etait d'une tristesse mortelle. Aramis regardait
successivement Porthos et d'Artagnan sans rien dire, mais son
regard etait si expressif, que d'Artagnan le comprit.
-- Vous voulez savoir comment il se fait que nous sommes ici? Eh!
mon Dieu! c'est bien facile a deviner, Mazarin nous a charges
d'apporter une lettre au general Cromwell.
-- Mais comment vous trouvez-vous a cote de Mordaunt? dit Athos,
de Mordaunt, dont je vous avais dit de vous defier, d'Artagnan.
-- Et que je vous avais recommande d'etrangler, Porthos, dit
Aramis.
-- Toujours Mazarin. Cromwell l'avait envoye a Mazarin; Mazarin
nous a envoyes a Cromwell. Il y a de la fatalite dans tout cela.
-- Oui, vous avez raison, d'Artagnan, une fatalite qui nous divise
et qui nous perd. Ainsi, mon cher Aramis, n'en parlons plus et
preparons-nous a subir notre sort.
-- Sang-Diou! parlons-en, au contraire, car il a ete convenu une
fois pour toutes, que nous sommes toujours ensemble, quoique dans
des causes opposees.
-- Oh! oui, bien opposees, dit en souriant Athos; car ici, je v
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