est commandee par un boucher, ou un fils de
boucher, peu importe, le colonel Harrison. Le proces de Sa Majeste
va etre fait a son arrivee a Londres, je vous en reponds; j'en ai
entendu sortir assez sur ce sujet de la bouche de M. Olivier
Cromwell pour savoir a quoi m'en tenir.
Athos et Aramis echangerent un second regard.
-- Et son proces fait, le jugement ne tardera pas a etre mis a
execution, continua d'Artagnan. Oh! ce sont des gens qui vont vite
en besogne que messieurs les puritains.
-- Et a quelle peine pensez-vous que le roi soit condamne? demanda
Athos.
-- Je crains bien que ce ne soit a la peine de mort; ils en ont
trop fait contre lui pour qu'il leur pardonne, ils n'ont plus
qu'un moyen: c'est de le tuer. Ne connaissez-vous donc pas le mot
de M. Olivier Cromwell quand il est venu a Paris et qu'on lui a
montre le donjon de Vincennes, ou etait enferme M. de Vendome?
-- Quel est ce mot? demanda Porthos.
-- Il ne faut toucher les princes qu'a la tete.
-- Je le connaissais, dit Athos.
-- Et vous croyez qu'il ne mettra point sa maxime a execution,
maintenant qu'il tient le roi?
-- Si fait, j'en suis sur meme, mais raison de plus pour ne point
abandonner l'auguste tete menacee.
-- Athos, vous devenez fou.
-- Non, mon ami, repondit doucement le gentilhomme, mais de Winter
est venu nous chercher en France, il nous a conduits a Madame
Henriette; Sa Majeste nous a fait l'honneur, a M. d'Herblay et a
moi, de nous demander notre aide pour son epoux; nous lui avons
engage notre parole, notre parole renfermait tout. C'etait notre
force, c'etait notre intelligence, c'etait notre vie, enfin, que
nous lui engagions; il nous reste a tenir notre parole. Est-ce
votre avis, d'Herblay?
-- Oui, dit Aramis, nous avons promis.
-- Puis, continua Athos, nous avons une autre raison, et la voici;
ecoutez bien. Tout est pauvre et mesquin en France en ce moment.
Nous avons un roi de dix ans qui ne sait pas encore ce qu'il veut;
nous avons une reine qu'une passion tardive rend aveugle; nous
avons un ministre qui regit la France comme il ferait d'une vaste
ferme, c'est-a-dire ne se preoccupant que de ce qu'il peut y
pousser d'or en la labourant avec l'intrigue et l'astuce
italiennes; nous avons des princes qui font de l'opposition
personnelle et egoiste, qui n'arriveront a rien qu'a tirer des
mains de Mazarin quelques lingots d'or, quelques bribes de
puissance. Je les ai servis, non par enthousiasme, Dieu sait q
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