ression vive et une couleur solide; l'oeil noir etincelant,
les cheveux epais, ondes et plantes au front par la nature selon toutes
les regles de l'art italien; le nez etait droit, la narine nette et
mobile, le sourcil pur comme un trait de pinceau, la bouche vermeille et
bien decoupee, la moustache fine et encadrant la levre superieure par
un mouvement de frisure naturelle d'une grace coquette; les plans de la
joue sans defaut, l'oreille petite, le cou degage, rond, blanc et fort,
la main bien faite, le pied de meme, les dents eblouissantes, le sourire
malin, le regard tres-hardi... Je regardai la duchesse... Je la regardai
d'autant mieux, qu'elle n'y fit point attention, tant elle etait
absorbee par l'entree du debutant.
La voix de Celio etait magnifique, et il savait chanter; cela se jugeait
des les premieres mesures. Sa beaute ne pouvait pas lui nuire: pourtant,
lorsque je reportai mes regards de la duchesse a l'acteur, ce dernier me
parut insupportable. Je crus d'abord que c'etait prevention de jaloux;
je me moquai de moi-meme; je l'applaudis, je l'encourageai d'un de ces
_bravo_ a demi-voix que l'acteur entend fort bien sur la scene. La je
rencontrai encore le regard de mademoiselle Boccaferri attache sur la
duchesse et sur moi. Cette preoccupation n'etait pas dans ses habitudes,
car elle avait un maintien eminemment grave et un talent specialement
consciencieux.
Mais j'avais beau faire le degage: d'une part, je voyais la duchesse en
proie a un trouble inconcevable, a une emotion qu'elle ne pouvait plus
me cacher, on eut dit qu'elle ne l'essayait meme pas; d'autre part,
je voyais le beau Celio, en depit de son audace et de ses moyens,
s'acheminer vers une de ces chutes dont on ne se releve guere, ou tout
au moins vers un de ces _fiasco_ qui laissent apres eux des annees de
decouragement et d'impuissance. En effet, ce jeune homme se presenta
avec un aplomb qui frisait l'outrecuidance. On eut dit que le nom qu'il
portait etait ecrit par lui sur son front pour etre salue et adore sans
examen de son individualite; on eut dit aussi que sa beaute devait faire
baisser les yeux, meme aux hommes. Il avait cependant du talent et une
puissance incontestable: il ne jouait pas mal, et il chantait bien; mais
il etait insolent dans l'ame, et cela percait par tous ses pores. La
maniere dont il accueillit les premiers applaudissements deplut au
public. Dans son salut et dans son regard, on lisait clairement cette
modeste allocu
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