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pouvait pas s'operer sans desordre. Des paysans, des ouvriers, transportes
sur les champs de bataille, n'y apportaient le premier jour que
l'ignorance, l'indiscipline et les terreurs paniques, effets naturels
d'une mauvaise organisation. Les representans, qui venaient souffler les
passions revolutionnaires dans les camps, exigeaient souvent l'impossible,
et commettaient des iniquites a l'egard de braves generaux. Dumouriez,
Custine, Houchard, Brunet, Canclaux, Jourdan, perirent ou se retirerent
devant ce torrent; mais en un mois, ces ouvriers, d'abord jacobins
declamateurs, devenaient des soldats dociles et braves; ces representans
communiquaient une audace et une volonte extraordinaires aux armees; et, a
force d'exigences et de changemens, ils finissaient par trouver les genies
hardis qui convenaient aux circonstances.
Enfin un homme vint regulariser ce grand mouvement: ce fut Carnot.
Autrefois officier du genie, et depuis membre de la convention et du comite
de salut public; partageant en quelque sorte son inviolabilite, il put
impunement introduire de l'ordre dans des operations trop decousues, et
surtout leur imprimer un ensemble qu'avant lui aucun ministre n'eut ete
assez obei pour leur imposer. L'une des principales causes de nos revers
precedens, c'etait la confusion qui accompagne une grande fermentation. Le
comite etabli et devenu irresistible, et Carnot etant revetu de toute la
puissance de ce comite, on obeit a la pensee de l'homme sage qui, calculant
sur l'ensemble, prescrivait des mouvemens parfaitement coordonnes entre
eux, et tendant a un meme but. Des generaux ne pouvaient plus, comme
Dumouriez ou Custine avaient fait autrefois, agir chacun de leur cote, en
attirant toute la guerre et tous les moyens a eux. Des representans ne
pouvaient plus ordonner ni contrarier des manoeuvres, ni modifier les
ordres superieurs. Il fallait obeir a la volonte supreme du comite, et se
conformer au plan uniforme qu'il avait prescrit. Place ainsi au centre,
planant sur toutes les frontieres, l'esprit de Carnot, en s'elevant, dut
s'agrandir; il concut des plans etendus, dans lesquels la prudence se
conciliait avec la hardiesse. L'instruction envoyee a Houchard en est la
preuve. Sans doute, ses plans avaient quelquefois l'inconvenient des plans
formes dans des bureaux: quand ses ordres arrivaient, ils n'etaient ni
toujours convenables aux lieux, ni executables dans le moment, mais ils
rachetaient par l'ensemble l'inco
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