on compatriote Laurier ne lui ressemblait guere, surtout au moral.
Moins grand, mais de traits plus reguliers, grassouillet, il offrait le
type combine du joli sergent et du vrai Marseillais. La face rejouie
d'un gourmand, toujours propret, pommade, reluisant, il etait aussi
glorieux que son nom, bien que le laurier serve a parfumer la soupe
autant qu'a tresser des couronnes. Jamais zouave n'eut de guetres plus
blanches ni mieux ajustees que les siennes, sur un pied mieux cambre.
Aucun mousquetaire n'eut l'allure plus avantageuse. Quels accroche-coeur
que les bouts aiguises et retrousses de ses moustaches noires! Qu'ils
annoncaient bien la hardiesse de langage et les propos vantards, que
l'accent _aiole_ semblait du reste legitimer!
Pluvier, comme Royle, nous etait venu de Paris; mais il avait beaucoup
plus de chance d'y retourner. Court, malingre, le nez deja bourgeonnant,
il grelottait avant d'avoir passe une nuit dehors et se plaignait de
rhumatismes sans avoir essuye la moindre averse. Il etait du nombre des
Parisiens qui preferent regarder l'emeute derriere leurs volets, plutot
que d'aller la tenter--ou la combattre--sur les barricades.
D'ou Gouzy pouvait-il bien etre originaire? Je ne sais. Il etait un peu
vantard comme Laurier, mais beaucoup moins freluquet. Quoique l'un
des plus anciens grades, il avait l'esprit subversif de Royle, qu'il
rappelait par son jeune age et sa longue taille degingandee. Il avait,
comme Nareval, la manie de perorer devant les hommes.
Quant a ce dernier, en prenant du galon, il s'etait peu modifie. Plus
circonspect dans l'etalage de son savoir, il etait livre aprement a son
ambition. Il goutait moins la satisfaction d'avoir franchi les premiers
degres, qu'il n'aspirait inquietement a en gravir d'autres. Aussi
mettait-il son temps a profit pour tacher d'acquerir sur le Champ de
Mars les premieres notions du commandement, qu'il possedait a peine.
La, comme partout, Villiot etait la providence de tous. Il manoeuvrait
fort bien, donnait l'exemple, entrainait et, de plus, prodiguait a
chacun des conseils, au besoin, un coup de main, pour le paquetage des
sacs, l'entretien du fusil, l'arrangement commode du fourniment. Pendant
ce temps, Gouzy se contentait de developper, mais a profusion, des
conseils theoriques, tandis que Laurier se campait fierement, en
retroussant ses moustaches sous l'oeil des bonnes angevines, et que
Pluvier constatait l'intensite progressive de ses rhumatismes. H
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