ere est morte, il sera bien force de se taire."
Et l'employe, ravi de la farce, se frottait les mains en songeant a la
tete de son chef, tandis qu'au-dessus de lui le corps de la vieille
gisait a cote de la bonne endormie.
Mme Caravan devenait soucieuse, comme obsedee par une preoccupation
difficile a dire. Enfin elle se decida:--"Ta mere t'avait bien donne sa
pendule, n'est-ce pas, la jeune fille au bilboquet?" Il chercha dans sa
memoire et repondit:--"Oui, oui; elle m'a dit (mais il y a longtemps de
cela, c'est quand elle est venue ici), elle m'a dit: Ce sera pour toi,
la pendule, si tu prends bien soin de moi."
Mme Caravan tranquillisee se rasserena:--"Alors, vois-tu, il faut aller
la chercher, parce que, si nous laissons venir ta soeur, elle nous
empechera de la prendre." Il hesitait:--"Tu crois?..." Elle se
facha:--"Certainement que je le crois; une fois ici, ni vu ni connu:
c'est a nous. C'est comme pour la commode de sa chambre, celle qui a un
marbre: elle me l'a donnee, a moi, un jour qu'elle etait de bonne
humeur. Nous la descendrons en meme temps."
Caravan semblait incredule.--"Mais, ma chere, c'est une grande
responsabilite!" Elle se tourna vers lui, furieuse:--"Ah! vraiment! Tu
ne changeras donc jamais? Tu laisserais tes enfants mourir de faim, toi,
plutot que de faire un mouvement. Du moment qu'elle me l'a donnee,
cette commode, c'est a nous, n'est-ce pas? Et si ta soeur n'est pas
contente, elle me le dira, a moi! Je m'en moque bien de ta soeur.
Allons, leve-toi, que nous apportions tout de suite ce que ta mere nous
a donne."
Tremblant et vaincu, il sortit du lit, et, comme il passait sa culotte,
elle l'en empecha:--"Ce n'est pas la peine de t'habiller, va, garde ton
calecon, ca suffit; j'irai bien comme ca, moi."
Et tous deux, en toilette de nuit, partirent, monterent l'escalier sans
bruit, ouvrirent la porte avec precaution et entrerent dans la chambre
ou les quatre bougies allumees autour de l'assiette au buis benit
semblaient seules garder la vieille en son repos rigide; car Rosalie,
etendue dans son fauteuil, les jambes allongees, les mains croisees, sur
sa jupe, la tete tombee de cote, immobile aussi et la bouche ouverte,
dormait en ronflant un peu.
Caravan prit la pendule. C'etait un de ces objets grotesques comme en
produisit beaucoup l'art imperial. Une jeune fille en bronze dore, la
tete ornee de fleurs diverses, tenait a la main un bilboquet dont la
boule servait de balancier.--"Do
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