les oreilles a tous ceux qui te feront du
mal.
Le lendemain, comme l'ecole etait pleine et que la classe allait
commencer, le petit Simon se leva, tout pale et les levres
tremblantes:--"Mon papa, dit-il d'une voix claire, c'est Philippe Remy,
le forgeron, et il a promis qu'il tirerait les oreilles a tous ceux qui
me feraient du mal."
Cette fois, personne ne rit plus, car on le connaissait bien ce Philippe
Remy, le forgeron, et c'etait un papa, celui-la, dont tout le monde eut
ete fier.
UNE PARTIE DE CAMPAGNE
On avait projete depuis cinq mois d'aller dejeuner aux environs de
Paris, le jour de la fete de Mme Dufour, qui s'appelait Petronille.
Aussi, comme on avait attendu cette partie impatiemment, s'etait-on leve
de fort bonne heure ce matin-la.
M. Dufour, ayant emprunte la voiture du laitier, conduisait lui-meme. La
carriole, a deux roues, etait fort propre; elle avait un toit supporte
par quatre montants de fer ou s'attachaient des rideaux qu'on avait
releves pour voir le paysage. Celui de derriere, seul, flottait au vent,
comme un drapeau. La femme, a cote de son epoux, s'epanouissait dans
une robe de soie cerise extraordinaire. Ensuite, sur deux chaises, se
tenaient une vieille grand'mere et une jeune fille. On apercevait encore
la chevelure jaune d'un garcon qui, faute de siege, s'etait etendu tout
au fond, et dont la tete seule apparaissait.
Apres avoir suivi l'avenue des Champs-Elysees et franchi les
fortifications a la porte Maillot, on s'etait mis a regarder la contree.
En arrivant au pont de Neuilly, M. Dufour avait dit:--"Voici la
campagne, enfin!"--et sa femme, a ce signal, s'etait attendrie sur la
nature.
Au rond-point de Courbevoie, une admiration les avait saisis devant
l'eloignement des horizons. A droite, la-bas, c'etait Argenteuil, dont
le clocher se dressait; au-dessus apparaissaient les buttes de Sannois
et le Moulin d'Orgemont. A gauche, l'aqueduc de Marly se dessinait sur
le ciel clair du matin, et l'on apercevait aussi, de loin, la terrasse
de Saint-Germain; tandis qu'en face, au bout d'une chaine de collines,
des terres remuees indiquaient le nouveau fort de Cormeilles. Tout au
fond, dans un reculement formidable, par-dessus des plaines et des
villages, on entrevoyait une sombre verdure de forets.
Le soleil commencait a bruler les visages; la poussiere emplissait les
yeux continuellement, et, des deux cotes de la route, se developpait une
campagne interminablement nue,
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