t a l'oreille, couraient jusqu'a la nuque, dansaient au vent,
puis devenaient, plus bas, un duvet si fin, si leger, si blond, qu'on le
voyait a peine, mais qu'on eprouvait une irresistible envie de mettre la
une foule de baisers.
Sous l'insistance de mon regard, elle tourna la tete vers moi, puis
baissa brusquement les yeux, tandis qu'un pli leger, comme un sourire
pret a naitre, enfoncant un peu le coin de sa bouche, faisait apparaitre
aussi la ce fin duvet soyeux et pale que le soleil dorait un peu.
La riviere calme s'elargissait. Une paix chaude planait dans
l'atmosphere, et un murmure de vie semblait emplir l'espace. Ma voisine
releva les yeux, et, cette fois, comme je la regardais toujours, elle
sourit decidement. Elle etait charmante ainsi, et dans son regard
fuyant mille choses m'apparurent, mille choses ignorees jusqu'ici. J'y
vis des profondeurs inconnues, tout le charme des tendresses, toute la
poesie que nous revons, tout le bonheur que nous cherchons sans fin. Et
j'avais un desir fou d'ouvrir les bras, de l'emporter quelque part pour
lui murmurer a l'oreille la suave musique des paroles d'amour.
J'allais ouvrir la bouche et l'aborder, quand quelqu'un me toucha
l'epaule. Je me retournai, surpris, et j'apercus un homme d'aspect
ordinaire, ni jeune ni vieux, qui me regardait d'un air triste.
--Je voudrais vous parler, dit-il.
Je fis une grimace qu'il vit sans doute, car il ajouta:--"C'est
important."
Je me levai et le suivis a l'autre bout du bateau:--"Monsieur,
reprit-il, quand l'hiver approche avec les froids, la pluie et la neige,
votre medecin vous dit chaque jour: "Tenez-vous les pieds bien chauds,
gardez-vous des refroidissements, des rhumes, des bronchites, des
pleuresies." Alors vous prenez mille precautions, vous portez de la
flanelle, des pardessus epais, des gros souliers, ce qui ne vous empeche
pas toujours de passer deux mois au lit. Mais quand revient le printemps
avec ses feuilles et ses fleurs, ses brises chaudes et amollissantes,
ses exhalaisons des champs qui vous apportent des troubles vagues, des
attendrissements sans cause, il n'est personne qui vienne vous dire:
"Monsieur, prenez garde a l'amour! Il est embusque partout; il vous
guette a tous les coins; toutes ses ruses sont tendues, toutes ses armes
aiguisees, toutes ses perfidies preparees! Prenez garde a l'amour!...
Prenez garde a l'amour! Il est plus dangereux que le rhume, la bronchite
ou la pleuresie! Il ne pardonne pas,
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