t anterieure a mon enthousiasme pour les anecdotes
glorieuses, a mes projets de courir le monde pour chercher de la
reputation. Des l'age de huit ans, mon coeur battit pour cette hyene
qui fit quelque mal, et encore plus de bruit, dans notre voisinage _(en
Auvergne)_, et l'espoir de la rencontrer animait mes promenades. Arrive
au college, je ne fus distrait de l'etude que par le desir d'etudier
sans contrainte. Je ne meritai guere d'etre chatie; mais, malgre ma
tranquillite ordinaire, il eut ete dangereux de le tenter, et j'aime
a penser que, faisant en rhetorique le portrait du cheval parfait, je
sacrifiai un succes au plaisir de peindre celui qui, en apercevant la
verge, renversait son cavalier." Ce ne sont pas seulement les ecoliers
de rhetorique, ce sont quelquefois les hommes qui sacrifient un succes,
c'est-a-dire la chose possible, au plaisir de peindre ou de faire une
action d'ou resulte le plus grand honneur a leur role, la plus grande
satisfaction a leurs sentiments.
Des l'adolescence, les liaisons republicaines charment La Fayette; ce
qu'ont ecrit et preche Jean-Jacques, Mably, Raynal, il le fera; lui, le
descendant des hautes classes, il sera le premier champion, le paladin
le plus avance des interets et des passions nouvelles. Le role est beau,
etrange, hasardeux; il est fait pour enlever un jeune et noble coeur.
Au regiment, dans le monde, a son debut, La Fayette est gauche, mal a
l'aise, assez taciturne [70]; il garde le silence, parce qu'en cette
compagnie _il ne pense et n'entend guere de choses qui lui paraissent
meriter d'etre dites_. Il observe et il medite; sa pensee franchit les
espaces, et va se choisir, par dela les mers, une patrie. "A la premiere
connaissance de cette querelle (anglo-americaine), mon coeur, dit-il,
fut enrole, et je ne songeai plus qu'a joindre mes drapeaux."
[Note 70: Sur ce La Fayette de 1775, qui essaie du _bon air_ et y
reussit peu, il faut voir la Notice placee en tete de la _Correspondance
entre Mirabeau et le comte de La Marck_ (1851), Tome I, page 62.]
Il n'a pas vingt ans, il s'echappe sur un vaisseau qu'il frete, a
travers toutes sortes d'aventures. Apres sept semaines de hasards dans
la traversee, il aborde l'immense continent, et, en sentant le sol
americain, son premier mot est un serment de vaincre ou de perir avec
cette cause. Rien de sincere et d'enlevant comme ce depart, cette
arrivee; c'est le debut heroique du poeme et de la vie, la candeur qu'on
n'a qu'u
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