est doux de plaindre
Le sort d'un ennemi quand il n'est plus a craindre[20]!
[Note 20: Notre ami M. Geruzez, dans un article sur Delille,
posterieur de date a celui-ci, a bien voulu, au milieu de temoignages
indulgents auxquels il nous a accoutume, s'arreter a ce debut pour
le contester avec une sorte d'ironie tout aimable, que pourtant nous
n'acceptons pas entierement, et dans laquelle il n'a peut-etre pas assez
tenu compte de la notre. Nous maintenons l'abbe Delille mort et bien
mort, dans le sens qu'on va lire. Nous doutons surtout extremement que
le pronostic du bienveillant critique s'accomplisse, et que Delille soit
precisement a la veille de _reprendre faveur_; nous doutons encore plus
que M. Villemain, dans sa jolie page d'il y a trente ans, citee par M.
Geruzez, et que nous-meme mentionnons avec eloge, ait rien predit du
_jugement de l'avenir_. M. Villemain, engage alors dans un concours
academique, n'a fait, en louant Delille, que saisir un de ces a-propos
et se tirer d'une de ces difficultes dont il triomphe toujours avec
tant de grace. Le jugement, d'ailleurs, vu hors du cadre, et si l'on y
cherchait une conclusion definitive, ne soutiendrait pas l'examen; il
est parfaitement faux que Delille, en vieillissant, ait _enfante des
beautes plus hardies et plus fieres_; c'est le contraire plutot qu'il
faudrait dire.--Il est un fait que j'oserai reveler. A l'Academie, dans
nos seances interieures, quand on lit et qu'on discute le _Dictionnaire
historique de la Langue_, s'il arrive a M. Patin, le redacteur, de
citer a la rencontre un ou deux vers de l'abbe Delille, il s'eleve
d'ordinaire, au seul nom du spirituel poete tombe en disgrace, une sorte
de murmure defavorable ou meme de clameur; on chicane les vers cites,
on en conteste la langue; rarement on leur fait grace. Et qui, dans
l'Academie, prend donc la defense de Delille? qui? c'est encore nous,
sortis de l'ecole contraire, qui sommes les premiers et le plus souvent
les seuls a demander qu'on le maintienne, a sa date, a titre de temoin
et d'autorite.]
Je viens d'ailleurs ici moins m'apitoyer sur la destinee de l'abbe
Delille, et la contempler du haut de notre point de vue actuel, que
tacher de m'y reporter et de la reproduire. Les critiques essentielles,
sans qu'on y vise, se trouveront toutes chemin faisant, et plus
piquantes dans la bouche meme des personnages ses contemporains. On
verra qu'il a ete de tout temps juge, et que les bons mots sur son
com
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