l etait sans doute l'avis de Rose Bricolin; car le lendemain de
la premiere nuit ou elle avait partage sa chambre avec madame de
Blanchemont, couchee encore languissamment sur son oreiller, tandis que
la jeune veuve, plus active et plus matinale, achevait deja sa toilette,
Rose l'examinait attentivement, se demandant si cette beaute parisienne
eclipserait la sienne a la fete du village, qui devait avoir lieu le
jour suivant.
Marcelle de Blanchemont etait plus petite de taille qu'elle ne le
paraissait, grace a l'elegance de ses proportions et a la distinction de
toutes ses attitudes. Elle etait tres-franchement blonde, mais non d'un
blond fade, ni meme d'un blond cendre, couleur trop vantee et qui eteint
presque toujours la physionomie, parce qu'elle est souvent l'indice
d'une organisation sans puissance. Elle etait d'un blond vif, chaud
et dore, et ses cheveux etaient une des plus grandes beautes de sa
personne. Dans son enfance elle avait eu un eclat extraordinaire, et
au couvent on l'appelait le cherubin; a dix-huit ans elle n'etait plus
qu'une fort agreable personne, mais a vingt-deux, elle etait telle
qu'elle avait inspire plus d'une passion sans s'en apercevoir. Cependant
ses traits n'etaient pas d'une grande perfection, et sa fraicheur etait
souvent fatiguee par une animation un peu febrile. On voyait autour
de ses yeux d'un bleu eclatant des teintes sombres qui annoncaient le
travail d'une ame ardente, et que l'observateur inintelligent eut
pu attribuer aux agitations d'une nature voluptueuse; mais il etait
impossible d'etre chaste soi-meme sans comprendre que cette femme vivait
par le coeur plus que par l'esprit, et par l'esprit plus que par le
sens. Son teint variable, son regard droit et franc, un leger duvet
blond aux coins de sa levre, etaient chez elle les indices certains
d'une volonte energique, d'un caractere devoue, desinteresse, courageux.
Elle plaisait au premier coup d'oeil sans eblouir, elle eblouissait
ensuite de plus en plus sans cesser de plaire, et tel qui ne l'avait pas
crue jolie au premier abord, n'en pouvait bientot detacher ses yeux ni
sa pensee.
La seconde transformation qui s'etait operee en elle etait l'ouvrage
de l'amour. Laborieuse et enjouee au couvent, elle n'avait jamais ete
reveuse ni melancolique avant de rencontrer Lemor; et meme depuis
qu'elle l'aimait, elle etait restee active et decidee jusque dans les
plus petites choses. Mais une affection profonde, en dirigeant vers un
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