tances exterieures qu'a lui en suggerer un
factice et de pure imitation.
XX.
L'AMOUR ET L'ARGENT.
Tout en allant et venant par la chambre, Marcelle entendit une voix
etrange qui partait de la piece voisine et qui etait a la fois forte
comme celle d'un boeuf et enrouee comme celle d'une vieille femme. Cette
voix, qui semblait ne sortir qu'avec effort d'une poitrine caverneuse et
ne pouvoir ni s'exhaler ni se contenir, repeta a plusieurs reprises:
--Puisqu'ils m'ont tout pris!... tout pris, jusqu'a mes vetements!
Et une voix plus ferme, que l'on reconnaissait pour celle de la
grand'mere Bricolin, repondait:
--Taisez-vous donc, _notre maitre_![8] je ne vous parle pas de ca.
[Note 8: Dans nos campagnes, les femmes agees suivent encore
l'ancienne coutume de dire eu parlant de leur mari, _notre maitre_.
Celles de notre generation disent _notre homme_.]
Voyant l'etonnement de sa compagne, Rose se chargea de lui expliquer
ce dialogue.--Il y a toujours eu du malheur dans notre maison, lui
dit-elle, et meme avant ma naissance et celle de ma pauvre soeur, le
mauvais sort etait dans la famille. Vous avez bien vu mon grand-papa,
qui parait si vieux, si vieux? C'est lui que vous venez d'entendre. Il
ne parle pas souvent; mais comme il est sourd, il crie si haut que toute
la maison en resonne. Il repete presque toujours a peu pres la meme
chose: _Ils m'ont tout pris, tout pille, tout vole._ Il ne sort guere de
la, et si ma grand'mere, qui a beaucoup d'empire sur lui, ne l'avait pas
fait taire, il vous l'aurait dit hier a vous-meme en guise de bonjour.
--Et qu'est-ce que cela signifie? demanda Marcelle.
--Est-ce que vous n'avez pas entendu parler de cette histoire-la? dit
Rose. Elle a fait pourtant assez de bruit; mais il est vrai que vous
n'etes jamais venue dans ce pays, et que vous ne vous etes jamais
occupee de ce qui avait pu s'y passer. Je parie que vous ne savez pas
que, depuis plus de cinquante ans, les Bricolin sont fermiers des
Blanchemont?
--Je savais cela, et meme je sais que votre grand-pere, avant de venir
se fixer ici, a tenu a ferme une terre considerable du cote du Blanc,
appartenant a mon grand-pere.
--Eh bien, en ce cas, vous avez entendu parler de l'histoire des
chauffeurs?
--Oui, mais c'est du plus loin que je me souvienne, car c'etait deja une
vieille histoire quand je n'etais encore qu'un enfant.
--Cela s'est passe, il y a plus de quarante ans, autant que je puis
savoir moi-mem
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