s entrames dans la maison du commandant. Ivan Ignatiitch ouvrit
les portes a deux battants, et s'ecria avec emphase: "Ils sont
pris!".
Vassilissa Iegorovna accourut a notre rencontre:
"Qu'est-ce que cela veut dire? comploter un assassinat dans notre
forteresse! Ivan Kouzmitch, mets-les sur-le-champ aux arrets...
Piotr Andreitch, Alexei Ivanitch, donnez vos epees, donnez,
donnez... Palachka, emporte les epees dans le grenier... Piotr
Andreitch, je n'attendais pas cela de toi; comment n'as-tu pas
honte? Alexei Ivanitch, c'est autre chose; il a ete transfere de
la garde pour avoir fait perir une ame. Il ne croit pas en Notre-
Seigneur. Mais toi, tu veux en faire autant?"
Ivan Kouzmitch approuvait tout ce que disait sa femme, ne cessant
de repeter: "Vois-tu bien! Vassilissa Iegorovna dit la verite; les
duels sont formellement defendus par le code militaire."
Cependant Palachka nous avait pris nos epees et les avait
emportees au grenier. Je ne pus m'empecher de rire; Chvabrine
conserva toute sa gravite.
"Malgre tout le respect que j'ai pour vous, dit-il avec sang-froid
a la femme du commandant, je ne puis me dispenser de vous faire
observer que vous vous donnez une peine inutile en nous soumettant
a votre tribunal. Abandonnez ce soin a Ivan Kouzmitch: c'est son
affaire.
-- Comment, comment, mon petit pere! repliqua la femme du
commandant. Est-ce que le mari et la femme ne sont pas la meme
chair et le meme esprit? Ivan Kouzmitch, qu'est-ce que tu
baguenaudes? Fourre-les a l'instant dans differents coins, au pain
et a l'eau, pour que cette bete d'idee leur sorte de la tete. Et
que le pere Garasim les mette a la penitence, pour qu'ils
demandent pardon a Dieu et aux hommes."
Ivan Kouzmitch ne savait que faire. Marie Ivanovna etait
extremement pale. Peu a peu la tempete se calma. La femme du
capitaine devint plus accommodante. Elle nous ordonna de nous
embrasser l'un l'autre. Palachka nous rapporta nos epees. Nous
sortimes, ayant fait la paix en apparence. Ivan Ignatiitch nous
reconduisit.
"Comment n'avez-vous pas eu honte, lui dis-je avec colere, de nous
denoncer au commandant apres m'avoir donne votre parole de n'en
rien faire?
-- Comme Dieu est saint, repondit-il, je n'ai rien dit a Ivan
Kouzmitch; c'est Vassilissa Iegorovna qui m'a tout soutire. C'est
elle qui a pris toutes les mesures necessaires a l'insu du
commandant. Du reste, Dieu merci, que ce soit fini comme cela!"
Apres cette reponse, il reto
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