sur lesquels il n'y a pas
trop a compter, soit dit sans te faire un reproche, Maximitch."
L'_ouriadnik_ sourit.
"Cependant prenons notre parti, messieurs les officiers; soyez
ponctuels; placez des sentinelles, etablissez des rondes de nuit;
dans le cas d'une attaque, fermez les portes et faites sortir les
soldats. Toi, Maximitch, veille bien sur tes Casaques. Il faut
aussi examiner le canon et le bien nettoyer, et surtout garder le
secret; que personne dans la forteresse ne sache rien avant le
temps."
Apres avoir ainsi distribue ses ordres, Ivan Kouzmitch nous
congedia. Je sortis avec Chvabrine, tout en devisant sur ce que
nous venions d'entendre.
"Qu'en crois-tu? comment finira tout cela? lui demandai-je.
-- Dieu le sait, repondit-il, nous verrons; jusqu'a present je ne
vois rien de grave. Si cependant..."
Alors il se mit a rever en sifflant avec distraction un air
francais.
Malgre toutes nos precautions, la nouvelle de l'apparition de
Pougatcheff se repandit dans la forteresse. Quel que fut le
respect d'Ivan Kouzmitch pour son epouse, il ne lui aurait revele
pour rien au monde un secret confie comme affaire de service.
Apres avoir recu la lettre du general, il s'etait assez
adroitement debarrasse de Vassilissa Iegorovna, en lui disant que
le pere Garasim avait recu d'Orenbourg des nouvelles
extraordinaires qu'il gardait dans le mystere le plus profond.
Vassilissa Iegorovna prit a l'instant meme le desir d'aller rendre
visite a la femme du pope, et, d'apres le conseil d'Ivan
Kouzmitch, elle emmena Macha, de peur qu'elle ne la laissat
s'ennuyer toute seule.
Reste maitre du terrain, Ivan Kouzmitch nous envoya chercher sur-
le-champ, et prit soin d'enfermer Palachka dans la cuisine, pour
qu'elle ne put nous epier.
Vassilissa Iegorovna revint a la maison sans avoir rien pu.tirer
de la femme du pope; elle apprit en rentrant que, pendant son
absence, un conseil de guerre s'etait assemble chez Ivan
Kouzmitch, et que Palachka avait ete enfermee sous clef. Elle se
douta que son mari l'avait trompee, et se mit a l'accabler de
questions. Mais Ivan Kouzmitch etait prepare a cette attaque; il
ne se troubla pas le moins du monde, et repondit bravement a sa
curieuse moitie:
"Vois-tu bien, ma petite mere, les femmes du pays se sont mis en
tete d'allumer du feu avec de la paille: et comme cela peut etre
cause d'un malheur, j'ai rassemble mes officiers et je leur ai
donne l'ordre de veiller a ce que les femmes
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