agues mais douces,
l'attente impatiente des dangers et le sentiment d'une noble
ambition. La nuit passa vite. J'allais sortir, quand ma porte
s'ouvrit, et le caporal entra pour m'annoncer que nos Cosaques
avaient quitte pendant la nuit la forteresse, emmenant de force
avec eux Ioulai, et qu'autour de nos remparts chevauchaient des
gens inconnus. L'idee que Marie Ivanovna n'avait pu s'eloigner me
glaca de terreur. Je donnai a la hate quelques instructions au
caporal, et courus chez le commandant.
Il commencait a faire jour. Je descendais rapidement la rue,
lorsque je m'entendis appeler par quelqu'un. Je m'arretai.
"Ou allez-vous? oserais-je vous demander, me dit Ivan Ignatiitch
en me rattrapant; Ivan Kouzmitch est sur le rempart, et m'envoie
vous chercher. Le Pougatch[42] est arrive.
-- Marie Ivanovna est-elle partie? demandai-je avec un tremblement
interieur.
-- Elle n'en a pas eu le temps, repondit Ivan Ignatiitch, la route
d'Orenbourg est coupee, la forteresse entouree. Cela va mal, Piotr
Andreitch."
Nous nous rendimes sur le rempart, petite hauteur formee par la
nature et fortifiee d'une palissade. La garnison s'y trouvait sous
les armes. On y avait traine le canon des la veille. Le commandant
marchait de long en large devant sa petite troupe; l'approche du
danger avait rendu au vieux guerrier une vigueur extraordinaire.
Dans la steppe, et peu loin de la forteresse, se voyaient une
vingtaine de cavaliers qui semblaient etre des Cosaques; mais
parmi eux se trouvaient quelques Bachkirs, qu'il etait facile de
reconnaitre a leurs bonnets et a leurs carquois. Le commandant
parcourait les rangs de la petite armee, en disant aux soldats:
"Voyons, enfants, montrons-nous bien aujourd'hui pour notre mere
l'imperatrice, et faisons voir a tout le monde que nous sommes des
gens braves, fideles a nos serments."
Les soldats temoignerent a grands cris de leur bonne volonte.
Chvabrine se tenait pres de moi, examinant l'ennemi avec
attention. Les gens qu'on apercevait dans la steppe, voyant sans
doute quelques mouvements dans le fort, se reunirent en groupe et
parlerent entre eux. Le commandant ordonna a Ivan Ignatiitch de
pointer sur eux le canon, et approcha lui-meme la meche. Le boulet
passa en sifflant sur leurs tetes sans leur faire aucun mal. Les
cavaliers se disperserent aussitot, en partant au galop, et la
steppe devint deserte. En ce moment, parut sur le rempart
Vassilissa Iegorovna, suivie de Marie qui n'avai
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