urrai si
l'on ne me delivre pas."
Pougatcheff lanca un regard furieux sur Chvabrine: "Tu as ose me
tromper, s'ecria-t-il; sais-tu, coquin, ce que tu merites?"
Chvabrine tomba a genoux.
Alors le mepris etouffa en moi tout sentiment de haine et de
vengeance. Je regardai avec degout un gentilhomme se trainer aux
pieds d'un deserteur cosaque. Pougatcheff se laissa flechir.
"Je te pardonne pour cette fois, dit-il a Chvabrine; mais sache
bien qu'a ta premiere faute je me rappellerai celle-la."
Puis, s'adressant a Marie, il lui dit avec douceur: "Sors, jolie
fille, je suis le tsar".
Marie Ivanovna lui jeta un coup d'oeil rapide, et devina que
c'etait l'assassin de ses parents qu'elle avait devant les yeux.
Elle se cacha le visage des deux mains, et tomba sans
connaissance. Je me precipitais pour la secourir, lorsque ma
vieille connaissance Palachka entra fort hardiment dans la chambre
et s'empressa autour de sa maitresse. Pougatcheff sortit, et nous
descendimes tous trois dans la piece de reception.
"Eh! Votre Seigneurie, me dit Pougatcheff en riant, nous avons
delivre la jolie fille; qu'en dis-tu? ne faudrait-il pas envoyer
chercher le pope, et lui faire marier sa niece. Si tu veux, je
serai ton _pere assis_, Chvabrine le garcon de noce, puis nous
nous mettrons a boire, et nous fermerons les portes."
Ce que je redoutais arriva. Des qu'il entendit la proposition de
Pougatcheff, Chvabrine perdit la tete.
"Tsar, dit-il en fureur, je suis coupable, je vous ai menti; mais
Grineff aussi vous trompe. Cette jeune fille n'est pas la niece du
pope: elle est la fille d'Ivan Mironoff, qui a ete supplicie a la
prise de cette forteresse."
Pougatcheff darda sur moi ses yeux flamboyants.
"Qu'est-ce que cela veut dire? s'ecria-t-il avec la surprise de
l'indignation.
-- Chvabrine t'a dit vrai, repondis-je avec fermete.
-- Tu ne m'avais pas dit celai reprit Pougatcheff dont le visage
s'assombrit tout a coup.
-- Mais sois-en le juge, lui repondis-je; pouvais-je declarer
devant tes gens qu'elle etait la fille de Mironoff? Ils l'eussent
dechiree a belles dents; rien n'aurait pu la sauver.
-- Tu as pourtant raison, dit Pougatcheff, mes ivrognes n'auraient
pas epargne cette pauvre fille; ma commere la femme du pope a bien
fait de les tromper.
-- Ecoute, continuai-je en voyant sa bonne disposition; je ne sais
comment t'appeler, et ne veux pas le savoir. Mais Dieu voit que je
serais pret a te payer de ma vie ce q
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