revient a lui, repetait-il; graces te soient
rendues, Seigneur! Mon pere Piotr Andreitch, m'as-tu fait assez
peur? quatre jours! c'est facile a dire..."
Marie Ivanovna l'interrompit.
"Ne lui parle pas trop, Saveliitch, dit-elle: il est encore bien
faible."
Elle sortit et ferma la porte avec precaution. Je me sentais agite
de pensees confuses. J'etais donc dans la maison du commandant,
puisque Marie Ivanovna pouvait entrer dans ma chambre! Je voulus
interroger Saveliitch; mais le vieillard hocha la tete et se
boucha les oreilles. Je fermai les yeux avec mecontentement, et
m'endormis bientot.
En m'eveillant, j'appelai Saveliitch; mais, au lieu de lui, je vis
devant moi Maria Ivanovna. Elle me salua de sa douce voix. Je ne
puis exprimer la sensation delicieuse qui me penetra dans ce
moment. Je saisis sa main et la serrai avec transport en
l'arrosant de mes larmes. Marie ne la retirait pas..., et tout a
coup je sentis sur ma joue l'impression humide et brulante de ses
levres. Un feu rapide parcourut tout mon etre.
"Chere bonne Marie Ivanovna, lui dis-je, soyez ma femme, consentez
a mon bonheur."
Elle reprit sa raison:
"Au non du ciel, calmez-vous, me dit-elle eu otant sa main, tous
etes encore en danger; votre blessure peut se rouvrir; ayez soin
de vous, ... ne fut-ce que pour moi."
Apres ces mots, elle sortit en me laissant au comble du bonheur.
Je me sentais revenir a la vie.
Des cet instant je me sentis mieux d'heure en heure. C'etait le
barbier du regiment qui me pansait, car il n'y avait pas d'autre
medecin dans la forteresse; et grace a Dieu, il ne faisait pas le
docteur. Ma jeunesse et la nature haterent ma guerison. Toute la
famille du commandant m'entourait de soins. Marie Ivanovna ne me
quittait presque jamais. Il va sans dire que je saisis la premiere
occasion favorable pour continuer ma declaration interrompue, et,
cette fois, Marie m'ecouta avec plus de patience. Elle me fit
naivement l'aveu de son affection, et ajouta que ses parents
seraient sans doute heureux de son bonheur. "Mais pensez-y bien,
me disait-elle; n'y aura-t-il pas d'obstacles de la part des
votres?"
Ce mot me fit reflechir. Je ne doutais pas de la tendresse de ma
mere; mais, connaissant le caractere et la facon de penser de mon
pere, je pressentais que mon amitie ne le toucherait pas
extremement, et qu'il la traiterait de folie de jeunesse. Je
l'avouai franchement a Marie Ivanovna; mais neanmoins je resolus
d'ecr
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