ent favorable.
Je n'attendis pas longtemps. Le lendemain, comme j'etais occupe a
composer une elegie, et que je mordais ma plume dans l'attente
d'une rime, Chvabrine frappa sous ma fenetre. Je posai la plume,
je pris mon epee, et sortis de la maison.
"Pourquoi remettre plus longtemps? me dit Chvabrine; on ne nous
observe plus. Allons au bord de la riviere; la personne ne nous
empechera."
Nous partimes en silence, et, apres avoir descendu un sentier
escarpe, nous nous arretames sur le bord de l'eau, et nos epees se
croiserent.
Chvabrine etait plus adroit que moi dans les armes; mais j'etais
plus fort et plus hardi; et M. Beaupre, qui avait ete entre autres
choses soldat, m'avait donne quelques lecons d'escrime, dont je
profitai. Chvabrine ne s'attendait nullement a trouver en moi un
adversaire aussi dangereux. Pendant longtemps nous ne pumes nous
faire aucun mal l'un a l'autre; mais enfin, remarquant que
Chvabrine faiblissait, je l'attaquai vivement, et le fis presque
entrer a reculons dans la riviere. Tout a coup j'entendis mon nom
prononce a haute voix; je tournai rapidement la tete, et j'apercus
Saveliitch qui courait a moi le long du sentier... Dans ce moment
je sentis une forte piqure dans la poitrine, sous l'epaule droite,
et je tombai sans connaissance.
CHAPITRE V
_LA CONVALESCENCE_
Quand je revins a moi, je restai quelque temps sans comprendre ni
ce qui m'etait arrive, ni ou je me trouvais. J'etais couche sur un
lit dans une chambre inconnue, et sentais une grande faiblesse.
Saveliitch se tenait devant moi, une lumiere a la main. Quelqu'un
deroulait avec precaution les bandages qui entouraient mon epaule
et ma poitrine. Peu a peu mes idees s'eclaircirent. Je me rappelai
mon duel, et devinai sans peine que j'etais blesse. En cet
instant, la porte gemit faiblement sur ses gonds:
"Eh bien, comment va-t-il? murmura une voix qui me fit
tressaillir.
-- Toujours dans le meme etat, repondit Saveliitch avec un soupir;
toujours sans connaissance. Voila deja plus de quatre jours."
Je voulus me retourner, mais je n'en eus pas la force.
"Ou suis-je? Qui est ici?" dis-je avec effort.
Marie Ivanovna s'approcha de mon lit, et se pencha doucement sur
moi.
"Comment vous sentez-vous? me dit-elle.
-- Bien, grace a Dieu, repondis-je d'une voix faible. C'est vous,
Marie Ivanovna; dites-moi..."
Je ne pus achever. Saveliitch poussa un cri, la joie se peignit
sur son visage.
"Il revient a lui, il
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