ndreitch; soyez heureux, vous au moins.
-- Cela ne sera pas, m'ecriai-je, en la saisissant par la main. Tu
m'aimes, je suis pret a tout. Allons nous jeter aux pieds de tes
parents. Ce sont des gens simples; ils ne sont ni fiers ni cruels;
ils nous donneront, eux, leur benediction, nous nous marierons; et
puis, avec le temps, j'en suis sur, nous parviendrons a flechir
mon pere. Ma mere intercedera pour nous, il me pardonnera.
-- Non, Piotr Andreitch, repondit Marie: je ne t'epouserai pas
sans la benediction de tes parents. Sans leur benediction tu ne
seras pas heureux. Soumettons-nous a la volonte de Dieu. Si tu
rencontres une autre fiancee, si tu l'aimes, que Dieu soit avec
toi[38]. Piotr Andreitch, moi, je prierai pour vous deux."
Elle se mit a pleurer et se retira. J'avais l'intention de la
suivre dans sa chambre; mais je me sentais hors d'etat de me
posseder et je rentrai a la maison. J'etais assis, plonge dans une
melancolie profonde, lorsque Saveliitch vint tout a coup
interrompre mes reflexions.
"Voila, seigneur, dit-il en me presentant une feuille de papier
toute couverte d'ecriture; regarde si je suis un espion de mon
maitre et si je tache de brouiller le pere avec le fils."
Je pris de sa main ce papier; c'etait la reponse de Saveliitch a
la lettre qu'il avait recue. La voici mot pour mot:
"Seigneur Andre Petrovitch, notre gracieux pere, j'ai recu votre
gracieuse lettre, dans laquelle tu daignes te facher contre moi,
votre esclave, en me faisant honte de ce que je ne remplis pas les
ordres de mes maitres. Et moi, qui ne suis pas un vieux chien,
mais votre serviteur fidele, j'obeis aux ordres de mes maitres; et
je vous ai toujours servi avec zele jusqu'a mes cheveux blancs. Je
ne vous ai rien ecrit de la blessure de Piotr Andreitch, pour ne
pas vous effrayer sans raison; et voila que nous entendons que
notre maitresse, notre mere, Avdotia Vassilievna, est malade de
peur; et je m'en vais prier Dieu pour sa sante. Et Piotr Andreitch
a ete blesse dans la poitrine, sons l'epaule droite, sous une
cote, a la profondeur d'un _verchok_ et demi[39], et il a ete
couche dans la maison du commandant, ou nous l'avons apporte du
rivage: et c'est le barbier d'ici, Stepan Paramonoff, qui l'a
traite; et maintenant Piotr Andreitch, grace a Dieu, se porte
bien; et il n'y a rien que du bien a dire de lui: ses chefs, a ce
qu'on dit, sont contents de lui, et Vassilissa Iegorovna le traite
comme son propre fils; et qu'une
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