e fois de sa vie; il ne convient pas que
Macha reste ici. Envoyons-la a Orenbourg chez sa marraine. La il y
a assez de soldats et de canons, et les murailles sont en pierre.
Et meme a toi j'aurais conseille de t'en aller aussi la-bas; car,
bien que tu sois vieille, pense a ce qui t'arrivera si la
forteresse est prise d'assaut.
-- C'est bien, c'est bien, dit la commandante, nous renverrons
Macha; mais ne t'avise pas de me prier de partir, je n'en ferais
rien. Il ne me convient pas non plus, dans mes vieilles annees, de
me separer de toi, et d'aller chercher un tombeau solitaire en
pays etranger. Nous avons vecu ensemble, nous mourrons ensemble.
-- Et tu as raison, dit le commandant. Voyons, il n'y a pas de
temps a perdre. Va equiper Macha pour la route; demain nous la
ferons partir a la pointe du jour, et nous lui donnerons meme un
convoi, quoique, a vrai dire, nous n'ayons pas ici de gens
superflus. Mais ou donc est-elle?
-- Chez Akoulina Pamphilovna, repondit la commandante; elle s'est
trouvee mal en apprenant la prise de Nijneosern! je crains qu'elle
ne tombe malade. O Dieu Seigneur! jusqu'ou avons-nous vecu?"
Vassilissa Iegorovna alla faire les apprets du depart de sa fille.
L'entretien chez le commandant continua encore; mais je n'y pris
plus aucune part. Marie Ivanovna reparut pour le souper, pale et
les yeux rougis. Nous soupames en silence, et nous nous levames de
table plus tot que d'ordinaire. Chacun de nous regagna son logis
apres avoir dit adieu a toute la famille. J'avais oublie mon epee
et revins la prendre; je trouvais Marie sous la porte; elle me la
presenta.
"Adieu, Piotr Andreitch, me dit-elle en pleurant; on m'envoie a
Orenbourg. Soyez bien portant et heureux. Peut-etre que Dieu
permettra que nous nous revoyions; si non..."
Elle se mit a sangloter.
"Adieu, lui dis-je, adieu, ma chere Marie! Quoi qu'il m'arrive,
sois sure que ma derniere pensee et ma derniere priere seront pour
toi."
Macha continuait a pleurer. Je sortis precipitamment.
CHAPITRE VII
_L'ASSAUT_
De toute la nuit, je ne pus dormir, et ne quittai meme pas mes
habits. J'avais eu l'intention de gagner de grand matin la porte
de la forteresse par ou Marie Ivanovna devait partir, pour lui
dire un dernier adieu. Je sentais en moi un changement complet.
L'agitation de mon ame me semblait moins penible que la noire
melancolie ou j'etais plonge precedemment. Au chagrin de la
separation se melaient en moi des esperances v
|