nt? balayer la forteresse de Belogorsk! dit-il
enfin.
-- Je vous reponds du succes, repris-je avec chaleur; laissez-moi
seulement sortir.
-- Non, jeune homme, dit-il en hochant la tete. Sur une si grande
distance, l'ennemi vous couperait facilement toute communication
avec le principal point strategique, ce qui le mettrait en mesure
de remporter sur vous une victoire complete et decisive. Une
communication interceptee, voyez-vous..."
Je m'effrayai en le voyant entraine dans des dissertations
militaires, et je me hatai de l'interrompre.
"La fille du capitaine Mironoff, lui dis-je, vient de m'ecrire une
lettre; elle demande du secours. Chvabrine la force a devenir sa
femme.
-- Vraiment! Oh! ce Chvabrine est un grand coquin. S'il me tombe
sous la main, je le fais juger dans les vingt-quatre heures, et
nous le fusillerons sur les glacis de la forteresse. Mais, en
attendant, il faut prendre patience.
-- Prendre patience! m'ecriai-je hors de moi. Mais d'ici la il
fera violence a Marie.
-- Oh! repondit le general. Mais cependant ce ne serait pas un
grand malheur pour elle. Il lui conviendrait mieux d'etre la femme
de Chvabrine, qui peut maintenant la proteger. Et quand nous
l'aurons fusille, alors, avec l'aide de Dieu, les fiances se
trouveront. Les jolies petites veuves ne restent pas longtemps
filles; je veux dire qu'une veuve trouve plus facilement un mari.
-- J'aimerais mieux mourir, dis-je avec fureur, que de la ceder a
Chvabrine.
-- Ah bah! dit le vieillard, je comprends a present; tu es
probablement amoureux de Marie Ivanovna. Alors c'est une autre
affaire. Pauvre garcon! Mais cependant il ne m'est pas possible de
te donner un bataillon et cinquante Cosaques. Cette expedition est
deraisonnable, et je ne puis la prendre sous ma responsabilite."
Je baissai la tete; le desespoir m'accablait. Tout a coup une idee
me traversa l'esprit, et ce qu'elle fut, le lecteur le verra dans
le chapitre suivant, comme disaient les vieux romanciers.
CHAPITRE XI
_LE CAMP DES REBELLES_
Je quittai le general et m'empressai de retourner chez moi.
Saveliitch me recut avec ses remontrances ordinaires.
"Quel plaisir trouves-tu, seigneur, a batailler contre ces
brigands ivres? Est-ce l'affaire d'un boyard? Les heures ne sont
pas toujours bonnes, et tu te feras tuer pour rien. Encore, si tu
faisais la guerre aux Turcs ou aux Suedois! Mais c'est une honte
de dire a qui tu la fais."
J'interrompis son discours:
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