drais le voir, lui!... Pourtant, je ne le connais pas... et je
dois l'avoir connu...
--Tu le reverras, je te le jure!... Maintenant, ecoute-moi, Leonore...
Ce n'est pas seulement Jean de Kervilliers que tu verras, mais ta
fille... comprends-tu... ta fille...
--Ma fille! murmura Saizuma pensive. Mais je n'ai pas de fille, moi...
Les deux gentilshommes m'ont dit aussi que j'avais une fille... Voila
qui est etrange...
--Les deux gentilshommes? interrogea Fausta avec une sourde inquietude.
--Oui. Mais je ne les ai pas crus.
--Et pourtant, Leonore, tu te souviens de Jean de Kervilliers... son nom
et son image sont dans ton coeur...
Saizuma Jeta autour d'elle des yeux hagards et frissonna.
--Silence, madame, supplia-t-elle avec angoisse. Ne prononcez plus ce
nom... Si mon pere entrait tout a coup... S'il entendait!... Il faudrait
donc lui jurer encore qu'il n'y a personne dans la chambre!...
--Oui, gronda Fausta, ce serait terrible, Leonore!... Mais combien
plus terrible encore si le vieux baron se doutait de la verite que tu
caches...
Saizuma, brusquement, porta les mains a son visage. Un faible cri
jaillit de ses levres.
--Mon masque! murmura-t-elle. Mon masque rouge comme la honte de mon
front!... Je l'ai perdu!... Madame, vous ne savez pas... vous ne saurez
jamais...
--Je sais! Je sais quelle est ta honte et quel est ton bonheur,
Leonore!... Ton secret, ton cher secret que tu caches a ton pere, mais
que tu as dit a celui que tu aimes, je le sais!... Tu vas etre mere,
Leonore!...
Saizuma laissa tomber ses mains. Une immense stupefaction se lisait sur
son visage bouleverse.
--Mere? demanda-t-elle. Vous avez dit cela?
--N'est-ce pas la ton secret?... N'est-il pas vrai que Jean le sait?...
et qu'il va t'epouser...
--Oui, oui, haleta l'infortunee. Car il ne faut pas que mon pere
connaisse notre faute. Mon enfant, madame, mon pauvre cherubin, si vous
saviez comme je l'aime... comme je lui parle... Il aura un nom dont il
sera fier.
--Ton enfant... ta fille!... Oh! mais souviens-toi! fais un effort!...
Mere! tu l'as ete!... Souviens-toi, Leonore!... Souviens-toi: la place
noire de monde, la foule, les cloches qui sonnent le glas, les pretres
qui te soutiennent...
--Le gibet... hurla Saizuma en reculant, affolee, jusque dans un angle
du pavillon...
Toute a son infernale besogne, toute a son projet, transformee en
tourmenteuse sans pitie, Fausta courut a elle et la releva:
--Ecoute!...
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