venait de detruire le schisme en le frappant au coeur meme.
Une demi-heure apres le depart du pape, Pardaillan, n'entendant plus
rien, se hasarda a demolir en partie les fortifications qu'il avait
elevees dans le pavillon. Ayant entrouvert la porte, il vit que
l'esplanade et l'estrade etaient egalement vides. Alors, il sortit,
inspecta l'etendue du terrain de culture et ne vit plus personne.
Il revint a l'esplanade et, pensif, s'arreta pres de la croix couchee
sur le sol... la croix sur laquelle Fausta avait fait attacher Violetta
par Belgodere.
--Pauvre petite chanteuse! murmura-t-il, attendri. Pourquoi un tel
supplice. Elle n'est coupable que d'etre trop jolie...
Pardaillan se retourna et vit Fausta. Cette femme extraordinaire
semblait n'eprouver aucune emotion ni des scenes tragiques qui venaient
de se derouler, ni du danger auquel elle venait d'echapper.
Fausta le considera quelques instants, cherchant peut-etre a percer
du regard cette enveloppe d'ironie et d'insouciance, qui masquait la
physionomie du chevalier.
--Vous m'avez sauve la vie, dit-elle enfin. Pourquoi?
Pardaillan releva la tete fine sur laquelle les rayons du soleil
mettaient a ce moment une sorte d'aureole.
--Ah! fit-il, si vous me parlez ainsi, madame, si nous sortons de la
folie furieuse des heresies, des mises en croix, si nous echappons au
cauchemar devenu mortel pour cette malheureuse et ce pretre (il montrait
les cadavres de Leonore et de Farnese), si nous rentrons enfin dans
le naturel, je vous repondrai seulement ceci: j'ai vu une femme qu'on
allait tuer; j'ai vu des fauves se ruer avec des cris de mort sur un
etre sans defense, et, sans me demander ni pourquoi ni comment, je me
suis trouve le fer au poing devant les fauves...
--Ainsi, reprit Fausta, si toute autre que moi se fut trouvee a ma
place, vous l'eussiez defendue.
--Sans doute! dit Pardaillan.
Fausta, pensive, baissa la tete, peut-etre pour cacher la paleur qui
envahissait son visage.
--Maintenant, madame, continua le chevalier, voulez-vous me permettre
de vous poser a mon tour une question?... Oui?... La voici: pourquoi le
sire de Maurevert m'avait-il donne rendez-vous aujourd'hui a midi, pres
de la porte Montmartre?...
--Parce que je lui en avais donne l'ordre, dit Fausta avec calme; parce
que Maurevert devait vous amener ici a un moment ou mon triomphe etait
assure; que, sans la trahison des miens, vous eussiez ete enveloppe
ici par des gens de Guise
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