ayer de prendre cette revanche apres
laquelle vous courez depuis si longtemps, eh bien, je suis votre homme.
--Bon! je prefere attendre...
--Comme il vous plaira, monsieur, j'ai tant de chances d'etre tue par
d'autres qu'il ne vous en reste guere de me retrouver. Qui sait si
j'arriverai seulement jusqu'a Chartres?
--Si vous mourez d'ici la, reprit Bussi-Leclerc haineux, soyez sur que
je le regretterai, car c'est ma plus douce esperance, maintenant, que de
penser a l'heureux moment ou je vous mettrai les tripes au vent!
--Merci, dit Pardaillan. Qui donc vous empeche, en ce cas, d'essayer de
satisfaire cette douce envie a l'instant?
--Ah! reprit Leclerc, c'est que je ne suis pas egoiste, moi. Je vais
vous dire. Nous sommes quatre qui vous haissons, et nous avons lie
partie pour vous mettre a mal. Je puis meme vous dire comment les choses
se passeront.
--Je serai flatte de l'apprendre...
--Vous allez voir comme c'est simple: d'abord, je vous passerai mon epee
au travers du ventre, sans vous tuer toutefois; puis Maineville vous
attachera a l'aile du premier moulin; c'est une manie, chez lui, vous
comprenez? Puis, quand vous aurez tourne suffisamment, c'est-a-dire
jusqu'a ce que mort s'ensuive, Maurevert vous arrachera le coeur, car il
a fait gageure de le manger saute aux petits lards; enfin, Mgr de Guise
abandonnera votre carcasse au bourreau pour la tirer a quatre chevaux.
Pardaillan comprit que Bussi-Leclerc, en parlant ainsi, devait ecumer.
Il l'entendit grincer des dents.
--Vous comprenez, reprit Leclerc, que, si je vous tuais tout de suite,
mes trois associes m'en voudraient la malemort. Tachez donc de vivre
encore quelques jours, jusqu'a ce que nous puissions mettre la main sur
vous...
--Je tacherai, fit doucement Pardaillan. Mais, vraiment, je vous repete
que je crains de ne pas arriver vivant jusqu'a Chartres. Vous devriez
profiter de l'occasion...
--Non! rugit Bussi-Leclerc.
--Allons donc, c'est que tu as peur, Leclerc!
La porte, a l'interieur, fut labouree de coups de poignard. Il y eut un
trepignement furieux.
--Bussi-Leclerc a peur! cria Pardaillan a haute voix.
--Truand de sac et de corde! Si Maurevert te mange le coeur, je te
mangerai le foie!...
Bussi-Leclerc se mit a frapper la porte a coups de dague. Pardaillan
haussa les epaules, et, dans la cour, sur le fumier, a la clarte de
la lune, il vit les gens de la chaumiere qui, reveilles par le bruit,
etaient sortis et livid
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