soeurs seront dans le jardin; de plus, vous
surveillerez l'enclos et la breche...
--Pardon, ma soeur, dit Picouic, vous venez de nous promettre un lit.
Mais quelle sera notre nourriture?
--Vous mangerez ce que notre industrie nous procure tous les jours, car,
s'il fallait compter sur les vivres du couvent, il y a longtemps que
nous serions mortes... Dans un recoin cache, nous elevons des poules...
Et le dimanche, ajouta Mariange, nous tordons le cou a un poulet.
--Admirable! fit Croasse.
--Enfin, nous avons les legumes que nous cultivons, et dont nous faisons
une soupe presque tous les jours. Quand nous pouvons y joindre un
quartier de boeuf ou de lard, nous n'y manquons pas.
--Et le vin? s'ecria tout a coup Picouic.
--Nous buvons de l'eau, fit modestement soeur Philomene.
Les deux hercules firent la grimace. Mais soeur Philomene, les yeux
baisses, ajouta du meme ton de modestie:
--J'ai le moyen d'entrer dans la cave de l'abbesse... je crois donc que
nous pouvons esperer au moins une bouteille ou deux par jour...
--Une derniere question, ma soeur?... fit Picouic en extase, a quelle
heure dinez-vous?
--Peut-etre ces braves cavaliers ont-ils faim? insinua Philomene.
--C'est-a-dire que nous avons fait un magnifique repas, sous un chene de
la porte Montmartre, mais comme la course nous a aiguise l'appetit...
--Ma soeur, dit Philomene, je vais querir quelques oeufs que
j'accommoderai et que j'apporterai avec ce restant de venaison dont nous
fit hier cadeau le reverend frere queteur.
Et, sans attendre cette fois l'assentiment de sa compagne, Philomene
s'eloigna rapidement. Un quart d'heure plus tard, elle revenait avec les
provisions annoncees.
--Quant au vin, dit-elle en rougissant, il faut attendre la nuit pour
s'en procurer.
Les deux nonnes s'eloignerent alors pour vaquer a la grande occupation
qui leur etait devolue, c'est-a-dire pour aller espionner et surveiller
les deux jeunes filles enfermees dans l'enclos. Picouic et Croasse, tout
aussitot, se mirent a table.
--Qu'est-ce que je te disais! fit Croasse en devorant avec frenesie.
--Croasse, je te proclame le plus adroit compagnon!
--C'est comme cela que je suis... repondit Croasse avec modestie.
--Si nous sommes habiles, notre fortune est faite quand nous nous en
irons d'ici! fit Picouic.
--Comment cela?...
--Ecoute... la petite Violetta est ici, detenue prisonniere. Si M. le
chevalier de Pardaillan et M. le duc d'Angouleme
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