es vins firent leur effet: il
n'avait pas ses idees bien nettes. Julien, qui buvait jamais de vin, se
sentit mal affermi sur ses jambes; ils marchaient pourtant, suivis de
Frederic et d'Alcide; plus habitues au vin et plus sages que Julien,
ils avaient peu bu et conservaient toute leur raison. Ils dirigerent la
marche du cote du theatre, ou ils firent entrer M. Georgey et Julien.
Alcide paya les quatre places, se promettant bien de rattraper son
argent avec profit. C'etait la que les avait vus Bonard entre deux et
trois heures de l'apres-midi. On jouait des farces; tout le monde riait.
Apres les farces vint une piece tragique. Alcide profita de l'attention
des spectateurs, dirigee sur la scene, et de l'assoupissement de M.
Georgey et de Julien, pour glisser doucement sa main dans la poche de
l'Anglais et en retirer une poignee de pieces d'or, qu'il mit dans son
gousset, apres en avoir glisse une partie dans la poche de Julien.
"Pourquoi fais-tu cela? demanda Frederic.
ALCIDE.--Chut! tais-toi. Je te l'expliquerai tout a l'heure."
La piece continua; quand elle fut finie et que chacun se leva pour
quitter la salle, M. Georgey et Julien dormaient profondement. Personne
n'y fit attention; la salle se vida. Alcide et Frederic etaient partis.
Vers huit heures du soir, la salle s'eclaira et commenca a se remplir
une seconde fois. M. Georgey se reveilla le premier, se frotta les yeux,
chercha a se reconnaitre, se souvint de tout et fut honteux de s'etre
enivre devant trois jeunes garcons et surtout devant Julien, dont il
devait etre le maitre et le protecteur a partir du lendemain.
Il chercha Julien; il le vit dormant paisiblement pres de lui.
"Quoi faire? se demanda-t-il. Quel racontement je lui dirai! Quoi dire!
Quoi j'expliquerai! Pauvre petite Juliene! C'etait moi qui lui avais
donne le boisson!... Je suis tres terriblement en punissement!"
Pendant qu'il rougissait, qu'il s'accusait, qu'il secouait legerement
Julien, celui-ci fut reveille par le bruit que faisaient les arrivants
et par les efforts de M. Georgey. Il regarda de tous cotes, vit M.
Georgey debout, sauta sur ses pieds.
"Me voila, M'sieur. Je vous demande bien pardon, M'sieur. Je ne sais ce
qui m'a pris. Je suis pret a vous suivre M'sieur."
M. Georgey se leva sans repondre; il sortit, suivi de Julien. Il faisait
deja un peu sombre, mais la lune se levait; la route etait encombree de
monde; M. Georgey marchait sans parler.
"M'sieur, lui dit enfi
|