non, maitresse, je ne crois pas
ca; je ne crois rien, je ne sais rien. J'ai parle trop vite."
Bonard et sa femme garderent le silence; ils engagerent Julien a aller
se coucher. Il leur souhaita le bonsoir et alla regagner son petit
grenier.
Arrive la, il pria et pleura longtemps.
"Ce que c'est, pensa-t-il, que le mauvais exemple et de mauvais
camarades! Sans eux je n'aurais pas la honte de m'etre enivre; le pauvre
M. Georgey n'aurait pas non plus a rougir de sa journee de foire! Pauvre
homme! c'est dommage! il est si bon!... Et comme Alcide a gate Frederic!
Mes malheureux maitres! il leur donnera bien du chagrin! Et moi qui m'en
vais! Ils n'auront personne pour les aider, les soigner... Et de penser
qu'il faut que je m'en aille pour ne pas leur etre a charge! Ah! si je
n'avais pas eu cette crainte, je ne les aurais jamais quittes. Mes bons
maitres! s'ils etaient plus riches! mais le bon Dieu fait tout pour
notre bien, dit M. le cure; il faut que je me soumette."
Et, tout en pleurant. Julien s'endormit.
XVI
LES MONTRES ET LES CHAINES
Pendant ce temps, qu'avaient fait Alcide et Frederic?
A la fin du spectacle, ils s'en allerent tout doucement, de peur de
reveiller M. Georgey et Julien. Quand ils se trouverent hors du theatre,
Frederic demanda a Alcide:
"Pourquoi as-tu mis des pieces d'or dans la poche de Julien? Ou les
as-tu prises?
ALCIDE.--Dans la poche de l'Anglais, parbleu!
FREDERIC.--Comment? tu l'as vole?
ALCIDE.--Tais-toi donc, imbecile! Tu cries comme si tu parlais a un
sourd. On ne dit pas ces choses tout haut. J'ai pris, je n'ai pas vole.
FREDERIC.--Mais puisque tu as pris dans sa poche sans qu'il s'en doutat.
ALCIDE.--Eh bien, je les ai prises pour empecher un autre de les
prendre. Il etait ivre, tu sais bien; il dormait et soufflait comme
un buffle. Le premier sujet venu pouvait le devaliser et peut-etre
l'egorger. Ainsi, en lui vidant ses poches, je lui ai probablement sauve
la vie.
FREDERIC.--Ah! je comprends. Tu veux lui rendre son argent.
ALCIDE.--Je ne lui rendrai pas ses jaunets; pas si bete! Il nous avait
promis de nous faire un present, il ne nous a rien donne; je lui ai
epargne la peine de chercher; nous acheterons nous-memes ce qui nous
convient le mieux.
FREDERIC.--Mais pourquoi en as-tu mis dans la poche de Julien?
ALCIDE.--Pour faire croire que c'est Julien qui a devalise celle de
l'Anglais, dans le cas ou celui-ci s'apercevrait de quelque chose.
F
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