silencieux. Sa
montre lui causait plus de frayeur que de plaisir; sa conscience, pas
encore aguerrie au vice, le tourmentait cruellement. Sans la peur que
lui inspirait son mechant ami, il serait retourne chez l'horloger pour
lui rendre sa montre et reprendre l'argent, qu'il aurait reporte a M.
Georgey.
Toute la salle riait aux eclats des grosses plaisanteries d'un Paillasse
en querelle avec son maitre Arlequin. Alcide avait a ses cotes deux
jeunes gens aimables et rieurs avec lesquels il causait et commentait
les tours d'adresse et les bons mots du Paillasse. Alcide y aurait
volontiers passe la nuit; jamais il ne s'etait autant amuse. Mais
Arlequin et Paillasse avaient epuise leur gaiete et leur repertoire;
ils saluerent, sortirent et la salle se vida. Dans la foule pressee de
courir a de nouveaux plaisirs, Alcide se trouva separe de ses aimables
compagnons, et il eut beau regarder, chercher, il ne put les retrouver.
"C'est ennuyeux, dit-il a Frederic, me voici reduit a ta societe, qui
n'est pas amusante. Tu ne dis rien, tu ne regardes rien, tu ne t'amuses
de rien. J'aurais bien mieux fait de venir sans toi.
FREDERIC.--Plut a Dieu que je ne t'eusse pas accompagne a cette foire
maudite. Depuis ce matin, je n'ai eu que du chagrin et de la terreur.
ALCIDE.--Parce que tu es un imbecile et un trembleur; tu n'as pas plus
de courage qu'une poule; si je t'avais ecoute, nous serions partis et
revenus les poches vides; nous nous serions mis a la suite de ce sot
Anglais et de son petit mendiant; nous n'aurions pas eu nos montres ni
tout ce que nous allons encore acheter.
FREDERIC.--Oh! Alcide, je t'en prie, n'achete plus rien; cette montre me
fait deja une peur terrible.
ALCIDE.--Ah! ah! ah! quel stupide animal tu fais! Suis-moi: je vais te
mener chez un brave garcon qui nous completera nos montres.
FREDERIC.--Que veux-tu y mettre de plus? Elles ne sont que trop
completes et trop cheres.
ALCIDE.--Tu vas voir. Et cette fois, si tu n'es pas content je te plante
la et tu deviendras ce que tu pourras.
FREDERIC, _avec resolution_.--Si tu me laisses seul, j'irai chez M.
Georgey, je lui rendrai sa montre, et je lui raconterai tout.
ALCIDE.--Malheureux, avise-toi de faire ce que tu dis, et je mets tout
sur ton compte; et je m'arrangerai de facon a te faire arreter et te
faire mettre en prison; et ce sera toi qui auras tout fait. Et mon
cousin l'horloger dira comme moi, pour avoir ma pratique et celle de mon
riche e
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