bouteille de vin,
tantot une petite perte au jeu a payer. Frederic, mefiant dans les
commencements, se laissa aller quand il vit Alcide si completement
change en apparence, si honteux de son passe, qu'il rappelait
adroitement et indirectement sans que personne autre que Frederic put
le comprendre. Il ne s'apercevait pas que ces pretendus amis le
circonvenaient de plus en plus et le separaient des autres camarades
dont ils lui disaient sans cesse du mal.
Un jour, le colonel le rencontra entoure de la bande d'Alcide; il
l'appela.
LE COLONEL.--Comment ca va-t-il, mon cher? Il y a longtemps que je ne
t'ai vu. Pourquoi donc fais-tu societe avec ces gens-la? Ce sont les
plus mal notes du regiment. Prends garde! Je te porte interet, tu le
sais, et je n'aime pas a te voir frequenter de mauvais sujets. J'ai mes
rapports; je sais que tu leur donnes de l'argent, que tu es souvent avec
eux, qu'ils boivent et te font boire quelquefois. Je te repete, prends
garde qu'ils ne t'entrainent a mal.
FREDERIC.--Je vous remercie bien de votre bon avis, mon colonel. Je
croyais avoir la de bonnes relations. Je les vois bien doux, bien
ranges, exacts a leur service; je ne m'en etais pas mefie. Mais votre
avertissement ne sera pas perdu, mon colonel, et des aujourd'hui je m'en
separerai.
LE COLONEL.--Ils sont donc bien changes, pour que tu en aies si bonne
opinion? Malgre les apparences, n'oublie pas mon conseil. Au revoir,
mon ami, je ne te perdrai pas de vue." Le colonel s'eloigna, les amis
d'Alcide se rapprocherent.
ALCIDE.--Qu'est-ce qu'il t'a dit le colonel? Il nous regardait en te
parlant.
FREDERIC.--Il m'a dit quelque chose qui ne me fait pas plaisir et qui
vous regarde tous.
GREDINET.--Quoi donc? Tu as l'air contrarie, en effet.
FREDERIC.--On le serait a moins. Il m'a dit de prendre garde aux
camarades mal notes dans le regiment.
RENARDOT.--Eh bien, en quoi cela nous regarde-t-il?
FREDERIC.--En ce qu'il m'a dit que vous en etiez.
ALCIDE.--Ah bah! Tu ne l'as pas cru, je pense?
FREDERIC.--Mon colonel m'a toujours donne de bons avis, et je me suis
toujours bien trouve de les avoir ecoutes.
ALCIDE.--Tu veux donc nous lacher! C'est ca qui serait un mechant tour;
tu nous manquerais trop.
FREDERIC.--Je ne vous manquerai pas en ce que vous me trouverez toujours
pret a vous obliger et a vous venir en aide. Mais je vous frequenterai
moins, pour obeir a mon colonel."
Alcide regarda les camarades et cligna de l'oe
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