homme,
le saint homme meme, au besoin. Je le flatterai, je lui ferai faire
connaissance avec mes amis, en lui disant que ce sont de braves jeunes
gens qui ont besoin de bons conseils, de bons exemples; que nous lui
demandons de nous diriger, de nous compter parmi ses amis. Je saurai
bien l'empaumer; il est faible, et, une fois pris, nous profiterons de
l'argent que lui envoie son imbecile d'Anglais pour faire des parties.
C'est ca qui est amusant! Et nous n'avons pas le sou, nous autres
pauvres diables! Il faut que je fasse la lecon aux amis. Qu'ils
n'aillent pas se trahir devant lui! Ils perdraient tout, les gredins!"
Alcide alla en effet a la recherche de ses camarades, leur expliqua
qu'il fallait viser a la bourse de Frederic, et que pour cela il fallait
paraitre sages, tranquilles, bons soldats, en un mot.
"Quand il sera pris une fois seulement en manquement de service, nous
le tiendrons et nous le ferons marcher. Le tout, c'est de savoir s'y
prendre."
Il continua ses recommandations et ses explications; les autres finirent
par l'envoyer promener.
"Est-ce que tu nous prends pour des imbeciles, pour nous macher la
besogne comme tu le fais? Nous saurons bien l'entortiller sans que tu
t'en meles.
ALCIDE.--Non, vous ne le connaissez pas; vous ne saurez pas le prendre;
il vous echappera, et j'en porterai la peine: il connait bien le
proverbe: _Qui se ressemble s'assemble_.
GUEUSARD.--Fais comme tu voudras; mais je dis, moi, qu'il faut commencer
par lui faire payer la bienvenue, et l'enivrer si nous pouvons.
GREDINET.--Et le devaliser apres, son Anglais le remplumera.
ALCIDE.--Et tu crois, imbecile, qu'il se laissera faire comme un oison,
sans meme ouvrir le bec pour crier?
FOURBILLON.--Qu'il crie, qu'il piaille, je m'en moque pas mal, quand
j'aurai vide son gousset.
RENARDOT.--Et quand il crierait, qu'est-ce que cela nous fait? Il ne
portera pas plainte, puisqu'il se sera grise avec nous.
ALCIDE.--Faites comme vous voudrez; seulement vous ferez fausse route,
c'est moi qui vous le dis.
GUEUSARD.--C'est ce que nous allons voir. Voila l'ouvrage de la caserne
fini; tu vas nous presenter et lever le premier le lievre de la
bienvenue.
ALCIDE.--Je n'en soufflerai pas mot. Ce serait tout perdre... Mais
tenez, le voila qui debusque dans la cour. Suivez-moi."
Alcide, suivi de sa bande, se dirigea vers Frederic qui venait prendre
l'air; la journee avait ete brulante, chacun cherchait a respirer avan
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