il. Ils comprirent qu'il
n'y avait pas de temps a perdre pour executer leurs projets, et avoir de
Frederic tout ce qu'ils pourraient en tirer.
ALCIDE.--Je respecte ta soumission, mon ami, et nous, de notre cote,
nous t'eviterons au lieu de te chercher. Mais accorde-nous une derniere
soiree. Nous nous reunirons dans la chambre et nous viderons une ou deux
bouteilles a la sante du colonel, quelque injuste qu'il soit a notre
egard."
Frederic, surpris et satisfait d'une obeissance qu'il n'esperait pas,
consentit volontiers a cette soiree d'adieux; il promit de les rejoindre
dans la chambree aussitot apres l'exercice. Et ils se quitterent
amicalement.
XXIII
LE MAUVAIS GENIE
Quand les amis furent seuls ils se regarderent tous avec consternation.
ALCIDE.--Le Jocrisse nous echappe. Je vous avais dit que vous alliez
trop vite en besogne; on nous a vus trop souvent ensemble; nous l'avons
mene trop souvent a la cantine. Il fallait aller plus doucement.
L'enivrer sans qu'il s'en doutat, et nous aurions eu le magot.
GUEUSARD.--Ce qui est differe n'est pas perdu; nous avons encore la
soiree.
ALCIDE.--Que veux-tu que nous en fassions a present que le voila
prevenu?
GREDINET.--Laisse-moi faire; je me charge de lui faire avaler plus qu'il
ne lui en faut pour faire passer ses jaunets dans notre poche.
ALCIDE.--Essayons; c'est notre derniere journee, nous n'avons plus a le
menager."
De concert avec Alcide, Gueusard et Gredinet se chargerent du vin et de
l'eau-de-vie. Ils allerent en demander a la cantine pour le compte de
l'ami Bonard; on savait qu'il payait bien, et on livra aux deux amis
tout ce qu'ils demanderent, dix bouteilles de vin du Midi, du plus
fort, et six bouteilles d'eau-de-vie et de liqueurs travaillees avec de
l'esprit-de-vin, et autres ingredients nuisibles.
Apres l'exercice, Frederic se rendit a la chambree, comme il l'avait
promis; les amis y etaient deja.
ALCIDE.--Tu es exact, et tu l'as toujours ete.
FOURBILLON.--Je ne m'etonne pas que le colonel t'ait pris en gre; tu
fais le meilleur soldat du regiment.
RENARDOT.--Et ce n'est pas seulement le colonel qui t'aime, tous tes
superieurs ont de l'amitie pour toi.
GUEUSARD.--Tu iras loin, c'est moi qui te le dis.
ALCIDE.--Ma foi, je ne serais pas etonne que nous ayons un jour a te
presenter les armes et a t'appeler mon general.
GREDINET.--Et le jour n'est pas loin ou nous t'appellerons mon marechal
des logis.
ALCIDE.--Et c
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